Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Belgica
Père : Félix Van Groeningen
Date de naissance : 2014
Majorité : 02 mars 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : Belgique
Taille : 2h07 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Tom Vermeir (Frank), Stef Aerts (Jo), Hélène De Vos (Marieke), Charlotte Vandermeersch (Isabelle), Boris Van Severen (Davy), Sara De Bosschere (Nikki), Dominique Van Malder (Manu)…
Signes particuliers : Trois ans après Alabama Monroe, le flamand Felix Van Groeningen séduit à nouveau.
LAISSEZ-VOUS EMPORTER PAR LA FOLIE DU BELGICA !
LA CRITIQUE
Résumé : Jo et Frank sont frères, et comme souvent dans les familles, ces deux-là sont très différents. Jo, célibataire et passionné de musique, vient d’ouvrir son propre bar à Gand, le Belgica. Frank, père de famille à la vie bien rangée et sans surprise, propose à Jo de le rejoindre pour l’aider à faire tourner son bar. Sous l’impulsion de ce duo de choc, le Belgica devient en quelques semaines the place to be…L’INTRO :
Artiste passionné aux multiples talents, Félix Van Groeningen s’est imposé avec La Merditude des Choses puis avec le bouleversant Alabama Monroe, comme l’un des fers de lance de la nouvelle génération de cinéastes belgo-flamands. Au lendemain du succès mondial d’Alabama Monroe, le metteur en scène a souhaité s’attacher à un projet plus personnel, racontant de manière à la fois intime et épique, une histoire au centre de sa propre jeunesse, lorsque son père tenait Le Charlatan, un bar/café-concert/discothèque rapidement devenu le the place to be trônant au milieu de Gand. Pour autant, Belgica n’est pas une autobiographie familiale authentique. Un peu à la manière du Steve Jobs de Danny Boyle, Van Groeningen mélange plusieurs époques, plusieurs histoires et souvenirs, pour créer à partir d’eux, une histoire fidèle mais sans l’être, empruntant autant à celle de son paternel et la sienne, qu’à celle de ses successeurs à la tête dudit café-star, peut-être même plus à ces derniers d’ailleurs.L’AVIS :
Comme dans Alabama Monroe avant lui, le nouveau film de Félix Van Groeningen est un mélange de beaucoup de choses, de beaucoup d’idées, influences et moteurs. Belgica, c’est le récit d’une success story dramatique, c’est une histoire d’amour et de passion destructrice, c’est une énième variation autour de la mécanique de l’ascension et de la chute, c’est une épopée fraternelle bouleversante, c’est une incandescente plongée sous acide dans le monde de la nuit, c’est une mélancolique illustration de la perte des idéaux quand on grandit et conquiert le monde, et enfin, c’est l’histoire d’un abandon devenu incontrôlable. Au détour d’une scène forte d’inauguration, le Belgica est présenté par ses instigateurs comme « le nouveau lieu de perdition de la ville ». Il sera justement celui où se perdront ces deux magnifiques personnages au centre de cette folle aventure dans un lieu littéralement vivant sous la caméra de Van Groeningen. Le Belgica va cannibaliser cette fratrie, devenir une mante religieuse exclusive et vampirique, suçant tout ce qui peut exister d’autre, pour demeurer seul. D’une créature splendide, il va devenir un monstre terrifiant, à la fois symbole d’une réussite et emblème d’une descente aux enfers.Entre une énergie euphorisante tempérée d’un penchant sombre, une B.O. explosive signée Soulwax et les images somptueusement envoûtantes de Felix Van Groeningen, Belgica soumet le spectateur au pouvoir d’un écran en fusion permanente, un écran rendu électrique et vénéneux, autant par l’histoire fascinante de ce tandem de frangins aussi complémentaires que fondamentalement opposés, que par la plastique subjuguante qui les met en scène dans une sorte de bal endiablé où s’affrontent les sensations, les personnages, leurs personnalités, et trajectoires déviantes. Pris dans la spirale d’un hédonisme sous apnée, les deux frères de Belgica sont comme l’illustration de la complémentarité ange/démon. L’un ne va pas sans l’autre, l’un est l’antithèse de l’autre et pourtant, l’un est le moteur des actions de l’autre. Et Belgica de sans cesse osciller entre ces deux visages, allant de la folie grisante et immersive à l’intimiste plus noir voire dépressif, allant du trip sexe alcool & rock’n’roll à la chronique familiale douloureuse. Et à l’écran, toute la versatilité du style de Van Groeningen. D’intenses et longs moments de musique furieux, des pauses dramatiques saisissant les personnages à vif dans toute leur beauté et leur travers. Deux héros/anti-héros fabuleux, campés avec génie par d’immenses Stef Aerts et Tom Vermeir.Enivrant, Belgica est 100% conforme au style connu (et reconnu) du metteur en scène flamand. Van Groeningen est un cinéaste de la générosité, de la sincérité, un cinéaste qui ne donne et ne se donne, jamais à moitié. Et son dernier bébé est un film total, une œuvre sensorielle et sauvage, à la fois délicate et orgiaque, qui capte le spectateur, le remue, l’épuise, le séduit, le déchire et l’exalte. Sorte de composition monstrueuse et romanesque, souvent extrême, au moins autant qu’elle ne brille de justesse, Belgica est le genre d’aventures cinématographiques dont on ressort pas indemne, au contraire, dont on ressort sur les rotules, avec le sentiment d’avoir reçu beaucoup. En l’occurrence, d’avoir reçu frontalement une histoire forte, interprétée par des comédiens habités et entièrement dévoués à leurs personnages, une histoire magnifiée par des images étourdissantes, avec ce sens aigu de la conjugaison de tous les arts qui composent le cinéma dans toute sa splendeur démente. Parfois, avec cette volonté d’abandon aveuglé à son art, Van Groeningen peut se laisser entraîner par la machine infernale qu’il a lui-même lancée sans recul-frein. Parfois, le cinéaste peut oublier qu’il est à la tête d’un film et sa générosité l’emporte trop loin. Mais en définitive, c’est bien là toute sa marque de fabrique, aucun calcul et un plongée intense et sans ménagement. Belgica est marquant, Belgica est grand, Belgica méritait totalement son prix de la mise en scène au dernier festival de Sundance.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux