Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : As if I Am Not There
Père : Juanita Wilson
Livret de famille : Natasa Petrovic (Samira), Fedja Stukan (le Capitaine), Miraj Grbic (Commandant), Stellan Skarsgård (Docteur), Jelena Jovanova (Jasmina), Irina Apelgren (Alisa)…
Date de naissance : 2010
Majorité au : 27 février 2013 (en salles)
Nationalité : Irlande, Macédoine, Suède
Taille : 1h49
Poids : 50 millions $
Signes particuliers (+) : La jeune et jolie Natasa Petrovic ferait fondre en 3 secondes un bloc de glace épais de deux mètres. Sinon, le sujet était intéressant… sur le papier.
Signes particuliers (-) : Juanita Wilson passe complètement à côté de son sujet. Ou non, on dira plutôt qu’elle est dedans mais c’est son sujet qui passe complètement à côté de nous. Au lieu d’essayer d’élever son film pour l’ancrer dans une mise en lumière d’un conflit aux conséquences dramatiques sur les populations civiles et de l’ouvrir à une analyse et réflexion pertinentes des tenants et aboutissants e celui-ci, la cinéaste reste à la surface du sensationnaliste, mono-centrée sur son personnage en surjouant la carte de l’horreur dramatique sans jamais questionner quoique ce soit. Inutile.
LA FEMME POUR TOUS…
LA CRITIQUE
Résumé : Samira, jeune femme de Sarajevo, voit sa vie basculer le jour où elle est déportée dans une région lointaine de Bosnie. Emprisonnée dans un entrepôt, elle apprend vite les règles et la vie du camp. Quand elle est choisie pour « amuser » les soldats, le cauchemar commence.
Pour son premier long-métrage, la réalisatrice irlandaise Juanita Wilson n’a pas choisi la facilité en évoquant la guerre des Bosnie à partir d’un ouvrage de la journaliste croate Slavenka Drakulic, publié en 1999. As if I’am not There aborde un sujet complexe et sensible dont les plaies béantes ne sont pas encore complètement refermées et cicatrisées. Soutenu par Amnesty international, cette coproduction irlando-suédo-macédonienne s’engage aux côtés d’une jeune et jolie institutrice de Sarajevo déportée dans un camp au fin fond de la Bosnie, où elle deviendra une sorte de « distraction » pour les cruels soldats serbes. Même si le rapprochement est à prendre avec des pincettes tant les films œuvrent dans des styles et registres radicalement différent, As if I’am not There est en quelque sorte une version plus sérieuse et « drama » du récemment hardcore The Seasoning House qui racontait le calvaire d’une jeune sourde-muette jetée en pâture dans un bordel, repaire d’ex-criminels de la guerre des Balkans.
Juanita Wilson a voulu d’entrée de carrière s’engager dans des voies ambitieuses. Traiter de ce genre de sujets délicats requiert à la fois un point de vue et une vision forte sur les intentions finales mais également une extrême connaissance et maîtrise de son sujet. On ne remettra pas en question ses connaissances sur les questions du conflit des Balkans (on n’en sait rien en plus) mais toujours est-il que pour ce qui est des intentions, l’affaire se complique. As if I’am not There est un film étrange. Une sorte de drame très ciblé se focalisant sur le cauchemar de son personnage devenu un objet sexuel pour soldats brutaux, et uniquement sur lui. En résulte une confusion d’intentions et de rendus criarde, qui donne au film un aspect sensationnaliste au dispositif rhétorique très appuyé. As if I’am not There se retrouve en quelque sorte à la lisière du cinéma de genre façon série B horribles style torture porn ou rape and revenge, mais aussi non loin de l’esprit de classiques comme Portier de Nuit, tout en essayant de se préserver dans le drame lourdement froid et réaliste saisissant sans concessions l’horreur d’une guerre tragique pour les populations civiles. As if I’am not There met les pieds un peu dans tout ça, patauge, barbotte mais finalement ne plonge jamais et manque d’une direction claire et ouvertement perceptible.
Le seul choix véritablement affirmé de Juanita Wilson est d’occulter toute la toile de fond politique qui soutenait le conflit dans lequel se situe son histoire. Malheureusement, ce n’était certainement pas la démarche la plus judicieuse. La cinéaste se concentre essentiellement (voire seulement) sur le récit de survie dramatique de son héroïne mais ne cherche jamais à explorer le contexte historique, les enjeux, les tenants et les aboutissants, au point que les non-initiés auront même du mal à saisir clairement la situation remise en perspective dans cette guerre du XXème. Aucune implication, aucun effort de décryptage du conflit, aucune clé d’appréhension, aucune tentative d’effleurement du pourquoi du comment… As if I’am not There manque de profondeur et de résonance et finalement d’intérêt. Juanita Wilson livre ni plus ni moins qu’un drame de série B ne menant à rien, un pied maladroit dans le sérieux, un pied non-assumé dans le film d’exploitation. Une œuvre vaine.
Si l’on s’efforce de retenir quelque chose de As if I’am not There, ce sera son excellente comédienne Natasa Petrovic, non seulement douée mais en plus jolie comme un cœur. Mais ce seul rayon de soleil est trop mince pour éclairer un film tout entier qui se plante, à ne jamais vraiment se livrer, à ne jamais vraiment ne serait-ce qu’essayer de se transcender ou au moins de se hisser un peu. Ni extrême, ni intelligent, faussement dur et facilement bouleversant, As if I’am not There est pardessus le marché trop mécanique et sa froideur n’arrange pas son script couché sur papier glacé, figé dans son récit, avec de réelles difficultés à s’harnacher à sa tragédie. Non décidément, un échec sur toute la ligne.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux