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AMERICAN HONEY de Andrea Arnold : la critique du film

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American_honeyMondo-mètre
note 4 -5
Carte d’identité :
Nom : American Honey
Mère : Andrea Arnold
Date de naissance : 2016
Majorité : 08 février 2017
Type : sortie en salles
Nationalité : Angleterre, USA
Taille : 2h42 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Shia LaBeouf, Sasha Lane, Riley Keough, Arielle Holmes, Will Patton, Chad Cox, Isaiah Stone…

Signes particuliers : Un beau portrait de personnages et derrière lui, de l’Amérique.

UNE AUTRE PALME D’OR ÉTAIT POSSIBLE

LA CRITIQUE

Résumé : Star, une adolescente, quitte sa famille dysfonctionnelle et rejoint une équipe de vente d’abonnements de magazines, qui parcourt le Midwest américain en faisant du porte à porte. Aussitôt à sa place parmi cette bande de jeunes, dont fait partie Jake, elle adopte rapidement leur style de vie, rythmé par des soirées arrosées, des petits méfaits et des histoires d’amour…american_honey_2L’INTRO :

Révélée en 2006 avec Red Road, c’est surtout trois ans plus tard que la réalisatrice Andrea Arnold fera vraiment parler d’elle avec l’intéressant et très « loachien » Fish Tank, drame qui marquait l’avènement d’une cinéaste à suivre absolument. Couronné les deux fois du prix de Jury à Cannes, Andrea Arnold s’invitait de nouveau sur la Croisette avec American Honey, son quatrième long-métrage. Et comme on dit, « jamais deux sans trois ». La britannique a en effet raflé une nouvelle fois ce même prix du Jury qui semble lui coller à la peau, en attendant peut-être un jour la Palme, ce qui n’aurait pas été injustice cette fois-ci.american_honey_0L’AVIS :

American Honey est de ces films qui repoussent un peu sur le papier avec leurs durées excessivement imposantes. 2h42, c’est long, très long, surtout si l’expérience est un calvaire. Mais quand la balade est aussi belle, on ne peut que se laisser pousser des ailes pour survoler ce point noir qui n’en est finalement pas un. Du jour au lendemain et alors qu’une opportunité se présente telle une issue salvatrice, la jeune et jolie Star plaque tout dans un élan d’égoïsme et d’instinct de survie, pour s’en aller sillonner l’Amérique en intégrant un groupe de vendeurs de magazines itinérant. Par cette fuite en avant, Star dit adieu à sa vie peinte en cinquante nuances de noirceur. Un père alcoolique qui la tripote, une mère pas mieux et qui se contrefout d’elle, un petit frère et une petite sœur dont elle doit s’occuper, la misère partout, le frigo inlassablement vide, et des virées régulières dans les poubelles des supermarchés pour dénicher de quoi manger. Le cadre est dur, sombre, il le restera, mais des faisceaux de lumière viendront l’éclairer tout au long de ce voyage initiatique fabuleusement enivrant.

Ce n’est pas la première qu’un(e) cinéaste étranger(e) livre un meilleur portrait de l’Amérique que les auteurs américains eux-mêmes. Peut-être un effet de recul. En attendant, la radiographie proposée par la britannique, d’une Amérique à deux vitesses, qui a creusé une fracture sociale séparant aisés et pauvres, est tout simplement magnifique, pure, sans jugement et d’une étourdissante justesse. Tout fonctionne et sonne bien dans American Honey, même les audaces improbables quand est fait un furtif parallèle entre son personnage principal et Dark Vador ! Même quand Andrea Arnold fait des clins d’œil à la pop-culture ou invite les phénomènes de mode dans son film, à l’image d’une Rihanna qui en électrise la bande originale.

Au-delà du portrait d’une attachante jeune fille désireuse de vivre enfin sa vie et de vivre tout court, Andrea Arnold dresse surtout la peinture d’un système où tout le monde exploite tout le monde, d’une manière ou d’une autre, la peinture également d’une Amérique désespérée où le rêve américain semble n’être plus qu’une lointaine fantasmagorie illusoire, comme si le concept était lui-même un rêve oublié, une légende irréelle contredite par la non-magie d’une triste réalité. Star est une jeune et jolie étoile qui n’a jamais pu briller, qui tente de se définir et de trouver sa voie au milieu d’une société empêtrée dans sa déliquescence et son absence de perspectives, et American Honey d’être l’histoire d’une renaissance, ou plus simplement d’une naissance. La parenthèse désenchantée aurait pu être encore plus forte et poignante si elle n’était pas aussi longue et si elle avait échappé à quelques redondances essoufflant le propos, mais on pardonne bien vite ces maladresses, pour saisir au bond cette épopée humaine et intimiste, lancée sur les routes américaines tel un road movie entre drame et humour, fonctionnant à l’humain, à la poésie et à un naturalisme impressionniste (décidément, l’un des traits récurrents de cette sélection) saisi par une  caméra à l’épaule énergique et sans cesse en mouvement. Il y a beaucoup de vie et d’instantanéité dans American Honey, beaucoup d’envie et de passion aussi, et même si l’on aurait aimé voir Andrea Arnold mieux dessiner son message, on est follement séduit par cette fresque courageuse et audacieuse, filmant l’enfermement dans des vies étouffantes grâce à un 4/3 façon Mommy. American Honey est une sorte de fable pointant du doigt l’effondrement des valeurs de l’Amérique éternelle, et il n’y avait pas de plus belles façons de montrer ce constat mélancolique, qu’au détour de cette scène questionneuse, « C’est quoi ton rêve ? ». Ne pas savoir, c’est ne pas en avoir, et c’est terrifiant. Mais en un plan final, Andrea Arnold montre qu’elle ne veut pas s’enfermer dans la complaisance et réclame de l’espoir, comme son personnage, et nous avec. Assurément, l’un des grands films de cette édition cannoise 2016.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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