Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Alaska
Père : Claudio Cupellini
Date de naissance : 2015
Majorité : 10 février 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : Italie, France
Taille : 2h05 / Poids : NC
Genre : Drame, Romance
Livret de famille : Elio Germano (Fausto), Astrid Bergès-Frisbey (Nadine), Valerio Binasco (Sandro), Elena Radonicich (Francesca), Roshdy Zem…
Signes particuliers : Une vibrante histoire d’amour par-delà les obstacles.
L’AMOUR PLUS FORT QUE TOUT ?
LA CRITIQUE
Résumé : Fausto est italien, mais il vit à Paris et travaille comme serveur dans un grand hôtel. Nadine est une jeune Française de 20 ans, à la fois fragile et déterminée. Lorsque les deux jeunes gens se rencontrent par hasard sur un toit, ils se reconnaissent : fragiles, seuls et obsédés par une idée du bonheur qui semble inatteignable. Ils ne soupçonnent pas encore qu’ils vont s’aimer, se perdre, souffrir, se retrouver.L’INTRO :
Lui, est un acteur chevronné du cinéma italien dont la carrière a pris son envol il y a plus de quinze ans avec la comédie Il Cielo in una stanza. Elle, est une jeune comédienne bourrée de talent et que l’on espère voir grandir encore et encore, après son étourdissante prestation dans le magnifique I Origins de Mike Cahill, en 2014. Elio Germano et Astrid Bergès-Frisbey sont les deux héros de Alaska, folle romance épique et enivrante, réalisée par le metteur en scène transalpin Claudio Cupellini, dont c’est là le troisième long-métrage de cinéma. Un drame romanesque qui a à cœur de s’envoler plus haut que son seul registre, pour embrasser « un portrait allégorique de notre monde actuel« , comme son auteur aime à le définir.L’AVIS :
On le sait tous pertinemment, mais il y autant de façon de traiter l’amour au cinéma, que de formes d’amour existantes au quotidien dans notre monde. Loin des sucreries mielleuses ou des comédies colorées, c’est dans la tragédie contemporaine et quasiment shakespearienne, que Claudio Cupellini a souhaité ancrer la sienne. Ils sont deux êtres écorchés et fragiles, divisés entre leurs aspirations et leurs faiblesses, sorte de fantômes errant et traversant leur vie avec un sentiment d’incomplétude, comme encore à la recherche de la détonation qui les conduiraient vers un bonheur pour l’instant lointain et mystérieux. De leur étrange rencontre inopinée sur le toit d’un hôtel où elle passe une audition en maillot de bain et où il travaille comme serveur, puis des quelques heures qu’ils vont alors passer ensemble, naîtra le début d’une folle aventure émotionnelle qui sera sans cesse écartelée entre la beauté de la passion et le tragique d’un destin malchanceux et perpétuellement à contrecourant l’un de l’autre. Il est attiré quand elle le rejette, elle vient à lui quand il n’y croit plus. Elle s’accomplira dans la vie quand il vacille, il réussira quand elle tombe. Elle lui fera confiance quand il la trahira, il lui donne son cœur quand elle le trompera. Ces deux amants du désespoir sont finalement le reflet d’une certaine observation de la vie, faite de hauts et de bas, malheureusement parfois mal accordés. La seule continuité qui les unit dans les galères de leur parcours, ce sera finalement le fait qu’il ne sont, ni plus ni moins, que le reflet l’un de l’autre. Et de cet état de fait, jaillit cette idée qu’ils sont fait l’un pour l’autre, que si leur chemin empruntera des sentiers différents, l’issue ne pourra en être que commune, ensemble et maintenant, comme au début de leur histoire circulaire où les rôles s’inverseront en permanence, tout au long de leur romance.Et si les plus belles histoires d’amour étaient celles qui se façonnaient dans la douleur et les obstacles ? C’est un peu ce que l’on retient au final de Alaska, violent portrait passionnel d’un amour mouvementé, soumis aux erreurs, aux diktats d’évènements contraires, aux peines et aux joies. Sans cesse secoués, les amoureux d’Alaska n’ont finalement pour eux, que de trouver leur équilibre dans l’immédiateté des beaux moments passés ensemble. Une immédiateté qui leur fait oublier un instant, le voile obscurcissant qu’ils se sont imposés, celui de croire que la réussite matérielle, est un but à poursuivre pour toucher du doigt le bonheur. Car en définitive, dans leur féroce quête illusoire d’ascension sociale, la seule et unique constante tangible et inébranlable, ce sera eux et leur amour, ces deux éléments à l’origine et à la conclusion de tout, quoiqu’il se passe. Comme s’ils étaient un frein mutuel à la réussite de l’autre car l’important n’est pas là et la vie le leur rappelle inlassablement. Plus qu’une romance dramatique à fleur de peau, c’est au final cette réflexion dominante que Cupellini a cherché à mettre en exergue dans Alaska. Cette constatation que la richesse des sentiments vaut finalement bien plus que toutes les richesses que l’on pourrait vouloir accumuler en pensant à tort que la possession et le standing social sont les clés d’une vie heureuse. L’idée n’a rien de nouvelle en soi, bien au contraire, mais Alaska a au moins pour lui, ce mérite de ne pas chercher à frontalement enfoncer des portes ouvertes pour l’imposer, privilégiant l’émotion d’un amour traversant l’enfer pour mieux atteindre la sérénité, comme dans une sorte de trajectoire initiatique où les vents contraires seront autant de leçons de vie.Avec Alaska, Claudio Cupellini propose une puissante histoire d’amour entre deux aimants magnifiques, perdus entre la tendresse et le déchirement, entre le lumineux et le terrible d’une évolution inscrite dans la prise de conscience. Mué par une sincérité désarmante et des intentions nobles incarnées par deux comédiens fabuleux et fusionnels, Alaska ne passe pas loin de la réussite vibrante, à l’image de son esthétique subjuguante, dans la plus pure tradition d’un néo-cinéma italien amoureux de la virtuosité (visuelle et sonore). Mais si dans le détail, le film est une ode au romanesque désespéré assujetti à un discours social sur notre époque, on lui reprochera néanmoins sa maîtrise à deux temps. Au fond, un peu comme ses personnages au destin versatile, Cupellini est souvent à contrecourant des élans de son illustration. Fausto et Nadine semblent être condamnés à ne jamais se synchroniser ensemble dans leur vie. De la même manière, Cupellini semble ne jamais parvenir à synchroniser ses idées avec les bons éléments de son film, tant est si bien que l’on est amené à être partagé entre la réussite foudroyante et l’échec évitant toutefois la sortie de piste. L’épure de certaines scènes tranche avec le maniérisme excessif d’autres, le cœur viscéral sorti des tripes peine à se mettre au diapason d’une histoire en laquelle on a du mal à croire de manière générale, l’ensemble se veut plein de personnalité mais éprouve des difficultés à l’épouser, la trajectoire des personnages est pertinente mais souffre de redondances et d’ellipses mal gérées, la richesse du fond se dessine mais n’explose que rarement, l’émotion est intermittente… Et Alaska d’emporter seulement par à-coups, de séduire autant qu’il ne frustre, tant et si bien, qu’il en devient difficile de se faire un avis définitif.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux