Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : A Most Violent Year
Pères : J.C. Chandor
Date de naissance : 2014
Majorité : 31 décembre 2014
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h05 / Poids : 19 M$
Genre : Drame
Livret de famille : Oscar Isaac (Abel Morales), Jessica Chastain (Anna Morales), Albert Brooks (Andrew), David Oyelowo (Lawrence), Alessandro Nivola (Peter), Elyes Gabel (Julia), Catalina Sandino Moreno (Luisa), Peter Gerety (Bill)…
Signes particuliers : Après deux coups de maître, J.C. Chandor allait-il signer la passe de trois ? A Most Violent Year est au moins aussi brillant qu’il ne souffre de quelques problèmes gâchant un peu le plaisir…
J.C. J’ T’ENDORS PRÉSENTE…
LA CRITIQUE
Résumé : New York – 1981. L’année la plus violente qu’ait connu la ville. Le destin d’un immigré qui tente de se faire une place dans le business du pétrole. Son ambition se heurte à la corruption, la violence galopante et à la dépravation de l’époque qui menacent de détruire tout ce que lui et sa famille ont construit. L’INTRO :
En seulement deux films, le cinéaste J.C. Chandor s’est mis un sacré paquet de cinéphiles dans la poche, pour lesquels il apparaît comme un petit messie (l’effet de ses initiales ?) au cinéma aussi passionnant qu’intelligent. D’abord en 2011 avec Margin Call, fine étude de la nuit où tout a basculé du côté de Wall Street, juste avec le krach qui allait déclencher la crise économique mondiale de 2008 dont les effets se ressentent encore. Puis deux plus tard avec l’impressionnant All is Lost, qui prouvait bien que peut encore être capable d’un cinéma de divertissement original et évoluant en dehors des clous (Robert Redford abandonné seul au milieu de la mer pendant plus de 1h40). Après deux coups de maître, forcément, la suite de la carrière du désormais quadragénaire allait être scrutée de près.L’AVIS :
Pour son troisième long-métrage, J.C. Chandor s’intéresse aux vapeurs fanées du rêve américain contrarié avec l’histoire d’un ambitieux patron d’entreprise cherchant à faire son trou dans le marché de la livraison de fioul. New York, 1981, l’entreprise d’Abel et Anna Morales est plus que florissante. Mais cette année marquée historiquement par une vague de criminalité accrue, va être une secousse pour le couple, cerné par des crédits à haut risque contractés, par des vols de chargement à répétition, par la concurrence jalouse et carnassière et par la justice qui met le nez dans leurs affaires. Et A Most Violent Year d’être aussi un film fin, sur le capitalisme sauvage. Un couple campé avec talent et puissance par un duo étourdissant de complémentarité, Oscar Isaac et Jessica Chastain, remplaçant les initialement prévus Javier Bardem (Stanley Tucci avant lui) et Chrlize Theron. Le premier, plus saisissant que jamais à chaque minute du film, livre une prestation remarquée et remarquable. La seconde, use de son charme, de son sex-appeal et de son aura de simili-femme fatale, pour transcender son personnage et la rendre encore plus hypnotisante qu’elle n’a pu l’être sur le papier. Deux amis de longues dates (ayant étudié ensemble à Julliard) qui brillent comme deux étoiles dans un long-métrage marqué par un ton presque crépusculaire et mélancolique.Avec A Most Violent Year, J.C. Chandor se penche sur le « fucking american dream ». Ce rêve de gloire et de succès partagé par tous les ambitieux du pays mais qui vient souvent se confronter à la moralité, aux routes et aux choix personnels empruntés. Avec un sens de l’écriture très aiguisé, le cinéaste cristallise à merveille tous les enjeux qui peuvent habiter un homme lancé tout droit sur le chemin de la réussite, chemin dont les bords sont parsemés de dangers attirants comme le chant des sirènes. L’éternel dilemme intérieur du Bien contre le Mal, de la respectabilité et de la conscience cristalline contre les démons appelant à des voies plus rapides, mais aussi plus sombres et dangereuses. Son Abel Morales est ainsi sans cesse écartelé entre droiture et dérive. Il résiste, il veut pouvoir être fier de son succès atteint avec honneur. Mais à jouer, certaines voies sont sans issues et peuvent mener à emprunter des chemins de traverse plus discutables.
A Most Violent Year est aussi fascinant et envoûtant qu’il peut se révéler longuet et redondant. Contrairement à son personnage, Chandor ne prend pas le chemin le plus droit pour atteindre son but. À l’instar de Margin Call auquel il emprunte la rhétorique, A Most Violent Year est un film exigeant, une œuvre qui s’attarde sur ces moments qui auraient été des ellipses chez d’autres. Ces instants de l’ombre, ces instants en apesanteur, ces moments de vie que le cinéma traditionnel aura balayé pour foncer directement vers l’efficace. La démarche est louable et fort intéressante. Et c’est pour ce parti pris narratif que A Most Violent Year, qui aurait pu être un thriller haletant abordé sous un autre angle, s’avère être au final plutôt un drame noir, témoignant d’une réelle force d’authenticité. Interprétation de haute voltige, mise en scène soignée, pure et calculée, évolution scénaristique minutieuse, photographie incroyable magnifiant cette lumière si particulière qui étreint ce New York hivernal couvert de neige, quelque part entre la blancheur diaphane et la lumière naissante entrouvrant un début de porte vers le chaleureux. Un entredeux à l’image d’un film incarné par son personnage central, troublant, appréhendé entre le Bien et le Mal, on ne sait jamais trop, à la fois mystérieux, difficile à cerner, évoluant entre les lignes. Funambule de l’écriture, J.C. Chandor impose une sorte de héros/anti-héros complexe et fascinant, en marge des clichés qui façonnent le cinéma traditionnel et ses figures.
Malheureusement, le plaisir de cette œuvre inquiétante et taciturne, à bien des égards fabuleuse et magistrale, évoquant lointainement Sidney Lumet ou James Gray, est terni par une proposition de cinéma parfois pesante, souffrant d’un rythme langoureux à l’excès, visant de nobles intentions mais laissant derrière lui une étrange sensation de chaos assommant. Chandor s’applique à saisir avec minutie le ressenti d’une ambiance, le partage de la complexité des sentiments contradictoires habitant un personnage riche en nuances et subtilités, qui se débat pour se maintenir à flot contre vents et marées alors que les épreuves essaient de le mettre à terre. Habile dans son illustration, le metteur en scène l’est peut-être un peu moins dans la conduite de sa narration souffrant de longueurs et de détours tapissant un rythme singulier, jamais désagréable mais difficile à appréhender et manquant d’un parfum de souffre et de poigne pour conférer davantage de puissance évocatrice à cette virée aux faux airs de western, de polar et de film de mafia.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux
Je l’ai vu hier soir et j’avoue avoir été un peu déçue. Sans doute à cause des excellentes critiques que j’avais lues un peu partout ! Mais la photographie est effectivement magistrale, le film très élégant et servi par un admirable casting. Je partage assez cet avis, mais je trouve la note un peu dure. Car j’ai bien aimé tout de même, c’est un beau film, indéniablement mais je ne crois pas qu’il me marquera plus que ça… Et c’est assez étonnant, je ne saurais dire vraiment pourquoi. Il m’a sans doute manqué une petite valeur artistique ajoutée.
Je comprends. Pour être franc, la note est dure car elle ne reflète pas les qualités esthétiques du film mais le profond ennui qu’il a suscité chez nous. C’est quand même un peu soporifique !