Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : A Girl walks home alone at night
Mère : Ana Lily Amirpour
Date de naissance : 2014
Majorité : 14 janvier 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h40 / Poids : NC
Genre : Épouvante, Romance
Livret de famille : Sheila Vand (la vampire), Arash Marandi (Arash), Marshall Manesh (Hossein), Mozhan Marnò (Atti), Dominic Rains (Saeed), Milad Eghbali (le petit garçon)…
Signes particuliers : Quand le cinéma d’auteur verse dans le genre, ça peut donner quelques coups d’éclat comme ce sublime A Girl Walks Home Alone at Night. Notons qu’Ana Lily Amirpour en a tiré depuis un roman graphique, disponible en librairie.
UNE BALADE VAMPIRIQUE ET VAMPIRISANTE
LA CRITIQUE
Résumé : Dans la ville étrange de Bad City, lieu de tous les vices où suintent la mort et la solitude, les habitants n’imaginent pas qu’un vampire les surveille. Mais quand l’amour entre en jeu, la passion rouge sang éclate… L’INTRO :
Reparti triomphant du dernier Festival de Deauville où il a raflé le Prix de la Fondation Cartier un peu à la surprise générale, A Girl Walks Home Alone at Night est le premier long-métrage de la réalisatrice irano-américaine Ana Lily Amirpour, qui adapte son propre court-métrage éponyme. Un film que la jeune cinéaste, ex-musicienne et chanteuse, présente comme « un western vampirique iranien », tourné en noir et blanc aux Etats-Unis mais en langue iranienne, et prenant place dans une citée fictive baptisée Bad City, en réalité inspirée de ces villes perdues au fin fond du désert californien.
L’AVIS :
Brassant des références cinéphiliques étendues allant de David Lynch à Sergio Leone, d’Abel Ferrara à Jim Jarmusch, en passant par le cinéma noir américain ou l’expressionnisme allemand, évoquant le Dreyer de La Passion de Jeanne d’Arc et Vampyr, les romans graphiques de Frank Miller comme Sin City ou encore inspiré des icônes du septième art telles que James Dean ou Sofia Loren, A Girl Walks Home Alone at Night est une œuvre magistrale d’une richesse inouïe, affichant un singulier mélange dans un travail iconoclaste qui ne croit ni au classicisme, ni à la linéarité, ni aux dialogues inutiles et pas plus aux effets qu’ils soient rhétoriques ou stylistiques, mais plutôt au pouvoir hypnotique de l’image, à l’étreinte enivrante du son, au déploiement d’une ambiance envoûtante… Très esthétisé, soutenu par une superbe bande originale puissante et un noir et blanc à se damner de profondeur, A Girl Walks Home Alone at Night est une étrangeté vibrante, la marque d’un immense cinéma à la fois fascinant, dérangeant, inconfortable, un cinéma qui bouge les conventions, qui déplace les codes, qui brise les traditions, pour se façonner dans un univers personnel aussi vampirique que son héroïne de l’ombre.
Dans l’austérité et la désolation d’une sorte de ville fantomatique évoluant en vase clos et dont il semble impossible de s’échapper, des corps se meuvent. Arash est de ces corps laconiques et sans ancrage autre que celui qui le rattache à Bad City, sa ville isolée aux allures de mante religieuse retenant ses membres entre ses griffes. On y sent la pesanteur attractive, le désœuvrement lancinant, la mort qui rôde… Une mort incarnée par une vampire qui observe, tapie dans l’ombre, sorte d’équilibre naturel soufflant le froid dans ce désert brûlant, traînant la mort dans ce théâtre vivant empli d’une calme étrangeté, équilibrant un microcosme avec ses allures de justicière inquiétante. Sombre et désespéré de premier abord, A Girl Walks Home Alone at Night est pourtant un film sur l’espoir. L’espoir de briser sa condition, l’espoir d’un renouveau, l’espoir d’un ailleurs, aussi difficile à atteindre soit-il, aussi impossible et lointain paraît-il. Il faudra pour cela, passer par du courage, par l’oubli, par l’acceptation de soi et des autres, par la douleur également, pour fuir cette terre de désolation austère.
Romance tragiquement lumineuse, drame confectionné dans l’anti-conte, thriller fantastique au rythme qui lui est propre, A Girl Walks Home Alone at Night est une pépite brute, un coup d’éclat brillant soufflant quelque-chose de neuf dans un cinéma horrifique dont il prend ses distances tout en s’y rattachant avec passion. Une fraîcheur atypique qui déroutera certainement les amateurs d’un cinéma traditionnel formaté mais qui saura gagner les cœurs des cinéphiles purs et durs désireux de tenter une expérience « autre ». Et rappelons que la chance sourit aux audacieux. A Girl Walks Home Alone at Night est une déclaration d’amour transgenre au cinéma, une invitation à pénétrer dans une autre dimension où le temps et l’espace ne comptent plus. Première œuvre magistrale et vénéneuse, au moins autant que son « héroïne » vampirique, une fabuleuse Sheila Vand à mi-chemin entre Asia Argento et Falconetti, A Girl Walks Home Alone at Night subjugue, terrifie, glace et réchauffe en même temps. Graphique et pourtant épuré, un seul mot la résume : magnétique. Un choc formel et sensoriel.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux