
Nom : Him
Père : Justin Tipping
Date de naissance : Prochainement
Type : sortie en salles annulée
Nationalité : USA
Taille : 1h40 / Poids : NC
Genre : Epouvante, Thriller, Sport
Livret de Famille : Tyriq Withers, Marlon Wayans, Julia Fox…
Signes particuliers : Pénible.
Synopsis : Un jeune athlète prometteur est invité à s’entraîner avec la star d’une équipe bientôt à la retraite.

LA SOMBRE FACETTE DU SPORT QUI BROIE LES ÂMES
NOTRE AVIS SUR G.O.A.T
En retrait des écrans depuis 2022 et son ridicule Nope, Jordan Peele n’a pour autant pas complètement disparu des radars. En attendant de concrétiser un prochain projet personnel, le réalisateur de Get Out et Us s’occupe en produisant les autres. Déjà producteur du Candyman de Nia DaCosta, du Wendell & Wild d’Henry Selick ou du Monkey Man de Dev Patel, Jordan Peele s’affaire aujourd’hui sur Him (alias G.O.A.T chez nous), premier long métrage semi-horrifique du nouveau venu Justin Tipping. L’histoire d’un jeune quarterback très prometteur, invité à s’entraîner pendant une semaine dans la résidence isolée de la plus grande superstar de l’histoire du football américain. Vieillissant et proche de la retraite, Isaiah White (très bon Marlon Wayans) entend prendre ce jeune protégé sous son aile et l’initier à l’exigence de sa religion sportive pour en faire son héritier.

G.O.A.T ou le film que vous avez failli voir au cinéma. Mais failli seulement. Initialement, le film de Justin Tipping devait sortir en novembre dans les salles françaises. Mais à la dernière minute et alors que les projections pour la presse avaient commencé, nous avons appris l’annulation pure et simple de sa distribution dans les salles hexagonales. La raison ? Aucune officiellement. Pas de communication sur la décision. Mais nul besoin d’être Sherlock Holmes pour deviner le fin mot de l’histoire. Sorti aux Etats-Unis, G.O.A.T s’est fait littéralement assaisonné par la critique américaine et l’on peut aisément supposer qu’entre ces retours assassins et des premiers chiffres assez timides au box office, Universal a fait le choix de sacrifier une coûteuse distribution en salles. Il ne serait pas surprenant de le voir prochainement refourgué à une plateforme (type Prime Video) contre une somme plus substantielle que les possibles recettes d’une sortie cinéma, et ce d’autant que le film a pour univers le foot américain, pas forcément ultra populaire chez nous. On pourrait pousser le bouchon jusqu’à dire qu’un film similaire sur le foot européen (le soccer donc) aurait connu pareil destin outre-Atlantique.

Un mal pour un bien ? Fort probable au vu de la qualité du film de Justin Tipping, dont on comprend assez vite l’assassinat par la presse ricaine. Le cinéaste joue la carte de l’horreur intelligente (l’elevated horror). Ou du moins, il semble clair qu’il veut la jouer… avant de la rater comme un quaterback laissant échapper un bon ballon d’attaque. Du potentiel, il y en avait sur G.O.A.T , lequel dresse un portrait terrifiant de la pression qui broient les jeunes athlètes de haut niveau d’aujourd’hui. Tout le long métrage de Tipping semble au service de cette thématique. La marchandisation des jeunes sportifs, la culture de la performance à tout prix, la déshumanisation au profit des résultats, l’embrigadement aliénant, le formatage, la pression qui mène à la folie… G.O.A.T aurait pu être passionnant sur le fond car ce qu’il entend raconter ne manque pas de l’être. Et l’idée d’illustrer tout cela par le biais de l’épouvante pour mieux renforcer le caractère épouvantable de ce qui est narré était totalement pertinente. L’ennui, c’est que Tipping sombre en copiant le mauvais versant du style de Jordan Peele. G.O.A.T s’autodétruit par sa prétention narrative et formelle, coule sous son psychédélisme échevelé, et ennuie plus qu’il ne convainc. Toute intensité, tout impact émotionnel ou noirceur rageuse s’effilochent dans un film qui se perd dans son formalisme figuratif. À croire qu’il se prend pour un mélange de son mentor et de David Lynch, Tipping cherche à nous submerger dans un bizarre anxiogène et déstabilisant mais son audace se retourne contre lui.

Le cinéaste entreprend pourtant des choses, il essaie d’articuler univers oppressant et métaphore, il tente de déployer une direction artistique travaillée et en partie fondée sur un esthétisme léché. Mais ses choix ambitieux ne sont guère payants car G.O.A.T souffre surtout d’un scénario rarement à la hauteur de ses intentions. L’allégorie est très vite comprise et Justin Tipping doit tenir son heure et demi avec peu d’idées pour la faire vivre. Alors il répète des scènes d’hallucinations, bourre son film d’artifices et de symboles épuisants, injecte des tonnes d’effets horrifico-psychédéliques pour compenser l’absence de valeur dramatique. Et si G.O.A.T sait où il veut aller, il semble en revanche ne pas trop savoir comment y aller et se trompe de chemin finissant dans un cul-de-sac chaotique. L’heure et demi devient alors très longue et le cauchemar psychologique voulu sensoriel devient un cauchemar de cinéma tout court. On le dit et redit à tout bout de champ mais on ne fait pas un film juste avec des intentions. G.O.A.T en est une énième démonstration. Dans un premier temps intrigant, le film de Justin Tipping s’achève dans la consternation. Le cinéaste a beau remuer ciel et terre pour essayer de rendre son entreprise envoûtante et fascinante, il ne provoque que le rejet tant il ne maîtrise pas ce qu’il entend proposer. Note pour tous les jeunes cinéastes qui débutent, le cinéma nous a appris une chose depuis le temps. Pour réussir un film, le secret réside dans les émotions qu’il transmet par son histoire ou ses personnages. Et G.O.A.T est froid comme un cadavre abandonné.
Par Nicolas Rieux