Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Much Ado about Nothing
Père : Kenneth Branagh
Livret de famille : Kenneth Branagh (Benedict), Emma Thompson (Beatrice), Kate Beckinsale (Hero), Keanu Reeves (Don John), Denzel Washington (Don Pedro), Robert Sean Leonard (Claudio), Michael Keaton (Dogberry), Richard Briers (Leonato), Imelda Staunton (Marguerite)…
Date de naissance : 1993
Majorité : 26 mai 1993 (en salles)
Nationalité : USA, Angleterre
Taille : 1h51
Poids : 8 millions $
Signes particuliers (+) : En fin connaisseur et grand amateur de l’oeuvre de William Shakespeare, Kenneth Branagh adapte avec beaucoup de légèreté et d’humilité la célèbre pièce du dramaturge britannique avec une charmante comédie romantico-tragique teintée de surréalisme et de truculence et portée par une pléiade de stars s’amusant d’un effort choral audacieux et singulier, davantage pièce de théâtre reconstituée en décors naturels que film purement cinégénique.
Signes particuliers (-) : Pour apprécier le spectacle, il faut déjà être amateur de la pièce, et se laisser ensuite séduire par cet exercice déconcertant.
KENNETH BRANAGH RESSUSCITE SHAKESPEARE
LA CRITIQUE
Résumé : Après les jeux de la guerre, les fidèles compagnons de Don Pedro, Claudio et Benedict, vont se livrer à ceux de l’amour, aussi cruels et exaltants avec leurs lots de trahisons, leurs ruses et leurs mots d’esprit. De retour du front, ils font halte au domaine de leur ami Leonato. Claudio y tombe fou amoureux de sa fille Hero, Benedict y retrouve sa meilleure ennemie Beatrice et le haineux Don John intrigue et complote…
Parce que cette fin janvier 2014 voit les sorties combinées, d’une part du dernier film en tant que réalisateur d’un Kenneth Branagh (The Ryan Inititaive) aux antipodes de sa notoriété d’expert maîtrisant l’œuvre Shakespearienne, et d’autre part de la petite fantaisie signée d’un Joss Whedon qui revisite entre amis la célèbre pièce du dramaturge britannique Beaucoup de Bruit pour Rien, l’occasion était trop belle de faire un pont entre les deux et de se replonger dans la précédente version du classique du théâtre anglais justement mise en scène par Branagh en 1993.
L’illustre comédien, souvent associé à une profonde connaissance de l’œuvre du dramaturge, s’était lancé dans le pari curieux d’une nouvelle adaptation singulière pour le cinéma, de Much Ado About Nothing (son titre original dans la langue de… de Shakespeare justement). Une adaptation audacieuse en ce qu’elle conservait un fort accent théâtralisé assumé, et portée par une pléiade d’acteurs de renom tels que Branagh lui-même évidemment, Emma Thompson, Kate Beckinsale (dont c’était le premier rôle au cinéma), Keanu Reeves, Denzel Washington, Robert Sean Leonard ou encore Michael Keaton…
Même si elle est considérée aujourd’hui comme l’une de ses pièces les plus populaires, Beaucoup de Bruit pour Rien n’est certainement pas la meilleure œuvre de William Shakespeare. On l’avait déjà souligné au détour de notre chronique de la nouvelle version de Joss Whedon et même si Branagh s’en sort un peu mieux que son successeur dans l’exercice de compensation des faiblesses de la comédie publiée en 1600, elle reste lézardée par des maladresses d’écriture, n’en déplaise aux ayatollahs défenseurs de l’auteur qui sont probablement en train de bondir devant leur écran. Qu’importe, on assume et on y pointera notamment un périlleux mélange fourre-tout de comédie, de drame, de tragédie et d’humour décalé, mais aussi un dernier acte expéditif désamorçant sans ménagement l’intensité du pic le plus dramatique de l’histoire… Autant de défauts qui se retrouvent dès lors dans toutes les adaptations fidèles à l’œuvre originelle.
Exercice particulier, plus théâtral qu’il n’est vraiment cinégénique, affichant un parterre de vedettes qui cabotinent avec truculence, Beaucoup de Bruit pour Rien est un film iconoclaste dont les spécificités en font une œuvre résolument réservée aux amateurs d’œuvres s’éloignant de la facture cinématographique pure. Branagh conserve fidèlement les textes d’origine mais ne cherche pas à les réinjecter dans un véritable film de cinéma « réaliste », utilisant plutôt son décor quasi unique et en huis-clos comme une scène de théâtre à ciel ouvert, où se produisent sur ses planches des comédiens livrés à un exercice de jeu surprenant voire décontenançant. Ce seront alors les affinités personnelles vis-à-vis du style qui détermineront le rapport de chacun au film, le rendant ainsi difficilement critiquable de manière objective en mettant de côté le ressenti propre.
Toutefois, Beaucoup de Bruit pour Rien est un film tiraillé entre les qualités de ses intentions et un résultat plus décevant où pointe une forme de confusion de ton dans certains des grands écarts qu’il opère, mais qu’il doit à la pièce-étalon shakespearienne. Exemple, ces fameuses portions comiques incarnées par la galerie d’enquêteurs peu malins, qui fonctionnent mal dans l’esprit d’un film/pièce à cheval et en déséquilibre entre deux styles, deux genres, deux tons. Un comique que Branagh traduit par des références monty pythonesque hommages, apportant ainsi une touche de surréalisme dans la tragédie déployée.
Concrètement, on ne pourra pas vraiment reprocher grand-chose au film de Branagh qui d’ailleurs bénéficie d’une côte de popularité critique excellente. Le cinéaste-comédien injecte discrètement quelques petites touches personnelles facétieuses mais respecte avec humilité son matériau qui devient ainsi l’objet à viser pour qui n’aimera pas cette adaptation plein de charme. Les adeptes de la pièce Beaucoup de Bruit pour Rien apprécieront ce travail dévoué, au moins autant que ses pourfendeurs n’auront quasi aucune chance de se réconcilier avec cette œuvre shakespearienne atypique, d’autant que la mise en scène tour à tour chargée (son introduction) ou plate (la suite) de Branagh achèvera d’excéder.
Extrait du film :
Par Nicolas Rieux