Après un
troisième volet catastrophique qui a acté son déraillement, la saga
Jurassic World s’offre une « Renaissance ». Ce quatrième opus balaie en effet les intrigues qui tenaient ses prédécesseurs pour revenir à un essentiel : les dinosaures. Ils sont clairement les stars de ce nouveau film piloté par le talentueux Gareth Edwards (
Rogue One,
The Creator). Le cinéaste est familier des gros monstres gigantesques pour avoir signé le
Godzilla de 2014 et c’est somme toute assez logique de le voir ainsi mettre en valeur le bestiaire crétacien abandonné sur les îles équatoriales. Porté entre autres par Scarlett Johansson, Mahershala Ali, Jonathan Bailey ou Rupert Friend,
Jurassic World : Renaissance nous renvoie sur les îles en quarantaine dans le sillage d’une équipe montée par un puissant labo pharmaceutique, avec comme mission top secrète d’aller choper de l’ADN de trois des plus grands dinosaures afin de l’exploiter à des fins médicinales. En chemin, l’équipée sauvage secours une famille dont le bateau a chaviré après une mauvaise rencontre avec le terrifiant mosasaure. Mais tout ce beau monde va se retrouver échoué sur une île aux dangers bien plus terrifiants que tout ce qu’ils avaient pu imaginer.

La saga Jurassic World aurait-elle appris de ses erreurs ? En rappelant le scénariste des deux premiers Jurassic Park originaux de Spielberg (David Koepp pour le nommer), la franchise a rappelé avec lui un principe fondateur, les vraies stars ne sont pas les vedettes qui crapahutent pour leur survie mais les dinosaures qui les pourchassent. Ce sont eux que l’on vient avant tout. C’est à n’en pas douter le vrai point fort de Renaissance qui oublie un peu l’intrigue tricotée au fil des trois premiers pour revenir sur l’île tropicale et pour en extirper tout le bestiaire crétacien. Et de ce côté là, Renaissance est d’une générosité débordante. Mosasaure, Spinosaure, T-rex, Titanosaure, Brachiosaure, Archéoptéryx, Raptors, Tricératops (enfin bébé Tricé car c’est trop chou et ça vendra des produits dérivés en pagaille)… L’éventail de dinos croisés est titanesque et c’est jubilatoire car plus il y en a, plus on est content. Et à tout cela on ajoutera un petit gros nouveau, un G-Rex génétiquement créé aux allures de croisement entre le Tyrannosaure et Godzilla. Sur cette base solide voulant remettre à l’honneur l’essence des Jurassic, David Koepp et Gareth Edwards posent une histoire de mission périlleuse qui se transforme en haletant récit de survie. Simple, efficace.

Fidèle au talent de cinéaste qu’on lui connaît, Gareth Edwards conjugue l’intensité du grand spectacle et la splendeur d’images superbes restituant toute la majestuosité terrifiante de créatures puissamment cinématographiques. Jurassic World : Renaissance tient son deuxième point fort dans cette capacité, qu’il ne lâche jamais, à imaginer des séquences monumentales. Renaissance enfile les moments de bravoure comme un gamin enfilerait ses petites voitures dans son garage en plastique. La première scène, avec un vieux dino en plein New York donne le ton formel d’un film qui sera profondément beau dans ses effets spéciaux et dans la conception de ses scènes. La suite en fera l’étalage alors que Renaissance n’a de cesse de vouloir rendre aux dinosaures tout leur gigantisme impressionnant. D’une séquence en mer avec Mosasaures et Spinosaures à une rencontre saisissante avec un T-rex en pleine sieste en passant par un combat acharné contre le volant Archéoptéryx ou un passage fabuleusement poétique avec les immenses Titanosaures, Renaissance est riche en séquences inventives qui savent impressionner, riche en variétés de dinosaures surtout.

Un retour aux sources et profusion de passages mémorables (on peut même aller jusqu’à dire qu’il avait plus de passages marquants dans ce volet que dans les trois précédents réunis),
Renaissance a failli réussir un coup XXL, celui de faire du film l’un des meilleurs de l’histoire de la licence
Jurassic. « Failli » seulement car le film tire une balle dans le pied de toutes ses qualités et le pistolet est de la marque « scénario ». Face aux petites incohérences ou détails improbables, on a coutume d’entendre que «
ça va, c’est du cinéma« . Comprenez par là que c’est pas grave, d’autant plus dans un film science-fiction à base de dinosaures ressuscités 66 millions après leur disparition. On peut l’entendre et le comprendre, le problème c’est quand il ne se passe pas cinq minutes discontinues sans qu’une incohérence petite, moyenne ou grosse ne fassent pas lever les yeux au ciel de dépit. Oui,
Renaissance assure le spectacle massif, et oui le film peut se vanter d’une mise en scène assez folle excitant l’imaginaire à travers un bon lot de scènes franchement dingues. Et oui encore, on pourra aussi saluer la discrétion de ses petites références ou clins d’œil aux précédents volets qui évitent le fan service lourdement épuisant.
Mais côté écriture, est-ce de la bêtise ou de la paresse, on vous laisse le choix. Toujours est-il que Renaissance cumule de manière assez ahurissante les traits d’écriture crétins. Déjà, la justification du principe de la mission laisse dubitatif (seuls les plus gros dinos peuvent faire l’affaire – scénaristiquement commode). Pas mieux sur la manière dont sera incorporé des personnages supplémentaires (une famille sauvée du naufrage). Rien ne tient vraiment debout dans le script de Koepp et la suite sera un festival de raccords foireux, d’actions stupides ou insensées… On n’entrera pas dans les détails pour ne rien spoiler mais l’accumulation est telle, qu’elle en gâcherait presque un plaisir qui aurait pu être maximal. Cela dit, elle n’est qu’une partie émergée du génome écrit par David Koepp, à laquelle s’ajoutent des personnages trop survolés pour être attachants (on est loin de l’époque des bien plus consistants Alan Grant, Ellie Sattler, Ian Malcolm) et une intrigue globalement assez prévisible et structurellement déséquilibrée entre l’exposition, le milieu et la fin. Les intentions étaient bonnes, leur exécution moins. Le spectacle est cool voire fulgurant… à condition de ne pas s’agacer dès le départ de l’imbécilité de ce qui est raconté et de comment c’est raconté.