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BAC NORD de Cédric Jimenez : la critique du film

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Carte d’identité :

Nom : Bac Nord
Père : Cédric Jimenez
Date de naissance : 2019
Majorité : 18 août 2021
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h47 / Poids : NC
Genre : Polar

Livret de Famille : Gilles Lellouche, Karim Leklou, François Civil, Adèle Exarchopoulos, Cyril Lecomte, Mickaël Abiteboul…

Signes particuliers : Une claque.

 

EN IMMERSION

NOTRE AVIS SUR BAC NORD

Synopsis : 2012. Les quartiers Nord de Marseille détiennent un triste record : la zone au taux de criminalité le plus élevé de France. Poussée par sa hiérarchie, la BAC Nord, brigade de terrain, cherche sans cesse à améliorer ses résultats. Dans un secteur à haut risque, les flics adaptent leurs méthodes, franchissant parfois la ligne jaune. Jusqu’au jour où le système judiciaire se retourne contre eux…

 

Quand on évoque les bons cinéastes français du moment formant la nouvelle génération de metteurs en scène d’aujourd’hui, on pense rarement au marseillais Cédric Jimenez (Aux Yeux de Tous, La French, HHhH). Et pourtant, en trois films, le réalisateur poursuit pour l’instant un quasi sans faute avec une maturité qui s’affine et s’affirme de plus en plus. Avec Bac Nord, il porte son nombre de réussites à quatre, et cette dernière est probablement sa meilleure. Le film s’inspire d’une affaire très largement médiatisée en 2012, quand plusieurs flics de la brigade anti-criminalité des quartiers nord marseillais avaient été traduits en justice pour trafic de drogue et racket. Jimenez a pu aller à leur rencontre et traduit à l’écran l’histoire de ces hommes que l’on a refusé d’écouter à l’époque et dont les trajectoires sont symptomatiques d’un mal qui habite les forces de l’ordre depuis des années.

Même s’il serait contreproductif de vouloir les associer ou les opposer, Bac Nord pourrait être vu comme une réponse aux Misérables de Ladj Li, quoique « réponse » n’est peut-être pas vraiment le bon terme. Ensemble, ils sont plutôt complémentaires, portant deux regards sur le rapport entre les forces de l’ordre à bout et les habitants des cités abandonnés à la violence d’un quotidien qui n’a de cesse de s’assombrir d’années en années (Matthieu Kassovitz en parlait déjà en 1995 avec La Haine). Les Misérables évoquait les bavures policières, Bac Nord évoque un groupe de flics spécifique. Mais l’un comme l’autre dépeignent un quotidien sous pression avec cette question centrale : est-il déjà trop tard pour faire quelque chose ? Dans Bac Nord, une unité de la BAC compose comme elle peut avec la réalité de leur terrain, ces « quartiers Nord » marseillais qui détiennent le triste record du plus haut taux de criminalité en France. Chaque jour, ils font ce qu’ils peuvent, entre héroïsme et flirt avec la ligne jaune. Jusqu’au jour où le système se retourne contre eux.

Avec Bac Nord, Cédric Jimenez signe un grand film. Une puissante déflagration assourdissante qui prend aux tripes. A l’heure où la police est dans la tourmente, minée par les affaires douteuses et encore une fois décrédibilisée par la récente « affaire Michel Zeclerc » (ce producteur de musique noir injustement passé à tabac par quatre flics menteurs), Jimenez rappelle que la police n’est pas faite que de voyous sans foi ni loi. Elle n’est pas faite que de tarés qui insultent leur fonction et salissent leur badge par les actions répréhensibles. Devant Bac Nord, on se souvient du récent manifeste publié par Olivier Marchal sur les réseaux sociaux, appelant à ne pas tout voir en noir ou blanc. La police, c’est aussi des mecs qui risquent leur peau au quotidien pour l’impossible, qui font face à l’insoutenable réalité de notre monde et à son pire visage. Une phrase résonne très fort dans le film de Jimenez, « À quoi on sert en fait ? C’est fini, on ne sert plus à rien. » lâche avec mélancolie le flic incarné par Gilles Lellouche. Constat amer d’un flic qui réalise la situation. A Marseille (et dans certaines villes du même acabit), les flics n’ont plus la main. Ils ne font plus régner la loi et l’ordre. Ils ont dû abandonner le combat contre les trafiquants des cités qui ont repris le pouvoir à leur compte. Ils voudraient essayer pourtant, mais comment ? Pourquoi ? D’un côté, une hiérarchie trop proche des politiques qui ne pensent qu’à faire briller leurs chiffres. De l’autre, des gangsters incontrôlables qui n’ont plus peur de rien et surtout d’une police qu’ils savent pertinemment impuissante. Au milieu, des populations laissées-pour-compte et ces flics, sans moyens, sans protection, livrés à eux-mêmes et tragiquement conscients de ce qu’est devenu le monde et de l’héritage que l’on est en train de laisser à nos générations futures. Ils sont en première ligne, spectateurs passifs d’une dégringolade.

Bac Nord est un film choc qui s’inspire d’une histoire vraie pour mettre le nez dans le cambouis avec puissance et force. Un État qui a lâché les gens des cités. Désormais, le constat est sans appel, on ne viendra plus les aider. Leur recours était des policiers que l’on oblige à se comporter en hors-la-loi pour tenter vainement de tenir tête aux vrais hors-la-loi. Et à qui l’on reproche leurs actions une fois le « devoir » accompli. Il se dégage un sentiment d’injustice terrible devant les trajectoires contées dans Bac Nord, choc frontal en immersion rêche qui ne se contente pas de « montrer » mais qui immerge le spectateur au cœur d’un système à la force d’une caméra au poing. Immersif, c’est le terme. On est catapulté manu militari dans un enfer où les notions de Bien et le Mal sont devenues floues. Jimenez ne cherche pas à glorifier qui que ce soit. Ces flics ont-ils fait des conneries ? Sûrement. Mais pourquoi ? Sont-ils des héros ? Sont-ils les victimes d’une profonde injustice ? Sont-ils les véritables personnes à accabler ou plutôt les dindons d’une farce qu’ils ne peuvent rejeter ? Une chose est sûre, ils sont surtout des mecs désabusés dont les idéaux sont devenus poussière. Et c’est là que la cible entre dans la ligne de mire, ces politiciens qui manipulent tout le monde, qui se dédouanent en laissant les autres se débattre dans la merde qu’ils ont eux-mêmes cultivée.

Pour illustrer ce microcosme horrifiant, Cédric Jimenez abat la carte de l’immersion brutale, du genre où aucune échappatoire n’est proposée au spectateur une fois l’engrenage cinématographique lancé. Bac Nord, c’est 1h45 de tension pure qui arrache le bide, c’est une surdose massive d’émotions (colère, tristesse, dépit, amertume) mise en scène avec génie à la force d’une caméra énervée. C’est un portrait sans concession au réalisme tragique tenu par une écriture au cordeau qui ne verse jamais dans le « trop », sublimé par des plans d’une beauté magistrale, porté par des comédiens habités et boosté par une Bande Originale qui décape. Cédric Jimenez affiche une maîtrise sidérante sur son film brûlot qui gronde comme un volcan en irruption. Implacable et virtuose, Bac Nord est un polar de haut-vol, intelligent quand il prend de la hauteur, ultra-efficace qu’il repose le pied sur terre. L’un des films les plus intenses de l’année 2020 2021.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

One thought on “BAC NORD de Cédric Jimenez : la critique du film

  1. Propagande des lobbies du tabagisme ? Faudrait reutiliser un chrono et se refaire le film… On doit etre a 10′ easy sans parler de l’histoire du film, qui elle, est le trafic de drogue

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