Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Spotlight
Père : Tom McCarthy
Date de naissance : 2015
Majorité : 27 janvier 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h08 / Poids : 20 M$
Genre : Thriller, Biopic
Livret de famille : Michael Keaton (Robinson), Mark Ruffalo (Rezendes), Rachel McAdams (Sarah Pfeiffer), Liev Schreiber (Baron), John Slattery (Bradlee), Brian d’Arcy James (Carroll), Stanley Tucci (Garabedian), Jamey Sheridan (Sullivan), Billy Crudup (MacLeish)…
Signes particuliers : Un thriller journalistique dans la veine des grands classiques des années 70.
LES HOMMES DE BOSTON
LA CRITIQUE
Résumé : Adapté de faits réels, Spotlight retrace la fascinante enquête du Boston Globe – couronnée par le prix Pulitzer – qui a mis à jour un scandale sans précédent au sein de l’Eglise Catholique. Une équipe de journalistes d’investigation, baptisée Spotlight, a enquêté pendant 12 mois sur des suspicions d’abus sexuels au sein d’une des institutions les plus anciennes et les plus respectées au monde. L’enquête révèlera que L’Eglise Catholique a protégé pendant des décennies les personnalités religieuses, juridiques et politiques les plus en vue de Boston, et déclenchera par la suite une vague de révélations dans le monde entier.L’INTRO :
Le cinéma américain a toujours eu un œil vissé sur ce qu’il se passe du côté de l’emblématique Prix Pulitzer, récompensant l’excellence en matière de journalisme ou de littérature. Parce que bien souvent, les œuvres consacrées affichent suffisamment de qualités pour se prêter idéalement au jeu des adaptations prestigieuses vers le grand écran. En 2002, l’équipe de journalistes d’investigation de la team Spotlight (travaillant à la rédaction du Boston Globe) se lança dans une vaste enquête pour dévoiler publiquement à la face du monde, les agissements occultes de l’église catholique bostonienne ayant couvert et couvrant encore, un vaste réseau de prêtres pédophiles dont les victimes se comptaient par dizaines, voire centaines. Une enquête de longue haleine qui s’étirera sur plus de douze mois, et dont la finalité engendrera un séisme dans la vieille ville de Nouvelle-Angleterre, connue pour l’importance et la ferveur de sa communauté catholique. A l’heure où le grand journalisme d’investigation à l’ancienne tend à disparaître, bouffé par internet et l’information rapide, le cinéaste Tom McCarthy (The Station Agent, The Visitor) revient sur cette noble et passionnante page de son histoire, avec le concours d’une distribution exceptionnelle réunissant Michael Keaton, Mark Ruffalo, Rachel McAdams, John Slattery, Liev Schreiber ou encore Stanley Tucci.L’AVIS :
Écriture millimétrée, interprétation convaincante (remarquable Mark Ruffalo et les autres), solide gestion des enjeux et habile maîtrise du suspense ou de sa conduite narrative rendue haletante par l’intelligence de la démarche supportant le projet, Spotlight déploie son histoire et son univers avec une mécanique redoutablement bien rodée, qui se charge perpétuellement en tension tout du long, pour captiver au-delà de son élaboration résolument didactique et factuelle, faisant de la fidélité historique, une intention dominante, pour ne pas dire une véritable profession de foi. Glissant sur un indéniable savoir-faire, Tom McCarthy signe l’illustration d’une enquête palpitante, seulement freinée dans son avancée implacable, par quelques infimes longueurs vite balayées par l’ampleur et la force du sujet hautement délicat, ainsi que par le sentiment d’immersion qui se dégage d’un film jouant avec son cadre. Boston est clairement une métropole bien particulière, dont le charme unique se conjugue à des us et coutumes mafieuses qui dépassent le seul carcan de la pègre. Une ambivalence qui explique sans doute en bonne partie, sa forte représentation au cinéma. S’il est avant tout le récit d’une enquête et du combat d’une poignée de personnages pour faire éclater une vérité, Spotlight se double aussi d’un portrait de la célèbre « grande petite ville » du nord-ouest américain, représentée comme un protagoniste à part entière, choix qui ne fera que renforcer le sentiment d’étouffement appliqué à ce thriller journalistique dans la veine des plus grands modèles du genre des années 70, dont Les Hommes du Président fait encore aujourd’hui, figure de fer de lance incontournable.Spotlight ne révolutionne pas le créneau dans lequel il œuvre, mais lui apporte une nouvelle pierre de qualité, taillée avec application et clairvoyance. En enfilant ses pieds dans les chaussons façonnés par d’autres avant lui, le film de Tom McCarthy se contente d’utiliser les codes et la rhétorique établis par ses illustres modèles, pour scénariser et valoriser une célèbre enquête qui aura permis de révéler au grand jour un scandale, avec l’espoir sincère de mettre un terme à un « système » révoltant. Malheureusement, l’actualité quotidienne près de quinze ans plus tard, est là pour témoigner d’à quel point les scandales sont comme des feux qui embrasent une forêt avant de s’éteindre… pour mieux repartir de plus belle ailleurs. En cela, Spotlight n’est pas seulement l’exhumation d’une vieille page poussiéreuse de l’histoire du journalisme, mais la retranscription d’un combat acharné face à un mal qui, tristement, n’a pas encore dit son dernier mot, les faits divers de prêtes accusés d’actes pédophiles semblant au contraire, se multiplier encore et encore chaque jour. Et au passage, profitant de ce portrait glaçant, Spotlight de questionner la responsabilité de chacun au centre de ces non-dits communément connus mais face auxquels peu ou personne n’agit ou ne réagit. Être citoyen responsable, n’est-ce pas s’élever contre ce qui est mal et en faveur de ce qui est juste ? Savoir et ne rien dire ou faire, n’est-ce pas finalement une forme de lâcheté coupable ? Attention, loin de croire que Spotlight se permet d’émettre un quelconque jugement. Avec finesse et adresse, Tom McCarthy se permet seulement de poser là, la question en pointillé.Audacieux par son rejet catégorique de tout sensationnalisme ou de truchement de la réalité au profit d’une quelconque volonté d’efficacité, Spotlight se veut seulement le déroulé méticuleusement illustré, d’évènements dont l’intérêt réside avant tout en eux-mêmes et non dans la manière dont il aurait été possible de les exploiter pour en tirer plus que la simple et incroyable vérité qu’ils incarnent. Cette démarche essentielle aux yeux de son auteur, se traduit en pratique par une étonnante discrétion de tous les éléments de mise en scène, Tom McCarthy s’effaçant totalement derrière son récit pour mieux lui laisser l’entièreté de l’espace d’expression. Tel un chef d’orchestre travaillant dans l’ombre d’un rideau opaque, le cinéaste ne cherche jamais à briller en lieu et place de son sujet. Certains verront dans cette esthétique de l’épure artistique, les limites d’un film manquant peut-être d’un peu de génie et d’inventivité, d’autres au contraire, préféreront y voir la marque d’un metteur en scène de talent qui a su reprendre à son compte, certaines des composantes essentielles qui ont fait la grandeur des classiques du genre, il y a quelques décennies. Une chose est sûre, Spotlight est passionnant et tient le spectateur en haleine de bout en bout avec finalement peu de choses, seulement la reconstitution fidèle d’une enquête stupéfiante ayant révélé l’horreur.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux