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WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN (critique)

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Mondo-mètre :

Carte d’identité :
Nom : We Need to Talk About Kevin
Parents : Lynne Ramsay
Livret de famille : Tilda Swinton, John C. Reilly, Ezra Miller, Jasper Newell…
Date de naissance : 2011
Nationalité : États-Unis, Angleterre
Taille/Poids : 1h50 – 7 millions $

Signes particuliers (+) : Hypnotisant, envoutant et haletant. Mais aussi désarçonnant, troublant, dérangeant et glaçant. Une construction narrative brillante. Des comédiens prodigieux. Un film puissant au sujet dur mais remarquablement traité.

Signes particuliers (-) : x

 

WE NEED TO TALK ABOUT THIS MOVIE !

Résumé : Retour sur sa vie d’une mère meurtrie dont le fils a commis l’irréparable et qui cherche à revisiter son passé pour comprendre et chercher sa part de responsabilité…

Troisième long-métrage de la cinéaste écossaise Lynne Ramsay, We Need To Talk About Kevin fait partie de ces petits films modestes qui, par leurs indéniables qualités, vont se tailler une belle réputation au point de faire suffisamment parler d’eux pour entamer un tour de la planète cinéphilique. Et c’est à Cannes que ce grand absent des décidément bien commerciaux Oscars, va atterrir en compétition officielle. Pas de prix malheureusement (et pourtant !) mais un vibrant accueil qui se poursuivra en salles, le film récoltant des critiques essentiellement positives et amplement méritées malgré ses très faibles performances économiques dues en partie à une sortie au plus mauvais des moments, en plein dans un automne surchargé sur les écrans français.

« We Need to Talk about Kevin » (soit littéralement « Nous devons parler de Kevin » pour les non-anglophobes extrêmes) annonce froidement la couleur et son sujet, dès son titre presque alarmiste. Enfant puis adolescent difficile, trouble et troublant, Kevin va en effet occuper la place centrale de ce récit cruel et pervers sur l’incarnation humaine du mal absolu. Car même quand il n’est pas à l’image, Kevin étouffe le cadre de son omniprésence resserrée et oppressante.

Il était une fois le bonheur de la création de la vie, le bonheur d’enfanter, le bonheur de la maternité et de la paternité. Un bonheur qui va virer au cauchemar pour Eva Katchadourian, femme successfull ayant fait le choix difficile de mettre sa carrière entre parenthèses pour devenir mère. « Il n’y a pas de but, c’est ça le but » va lancer un jour Kevin à sa mère désespérée. Cette sentence laconique va résumer à elle seule toute l’horreur de cette histoire implacable de réalisme et d’horreur psychologique. Si la responsabilité des parents est souvent engagée quant au chemin que vont prendre les enfants en grandissant, si leur contexte social et affectif est souvent déterminant dans leur évolution et la construction de leur Moi identitaire et de leur personnalité, il est de rares fois, de rares exceptions où l’inexplicable va se produire et où tout va dérailler de façon incontrôlable. Que reprocher au couple Katchadourian ? Que reprocher à Eva, elle qui a depuis sa tendre enfance des relations difficiles avec son enfant ? C’est à cette question que cette mère traumatisée tente de répondre intérieurement en se repassant le film de sa vie, certains évènements, certains faits, pour tenter de décortiquer et de comprendre comment ils ont pu en arriver là. Eva cherche, scrute, s’impose une introspection lourde et difficile mais tente de trouver et d’analyser ses éventuelles erreurs, ses maladresses, ses faux pas. Elle essaie surtout de comprendre quelle est sa part de responsabilité. Est-elle même responsable d’ailleurs ? En quoi ? pourquoi ? Qu’aurait-elle pu faire différemment ? Les réponses ne seront pas toujours agréables à comprendre avec le recul et ce genre d’auto-analyse est certainement ce qu’il y a de pire pour un parent car il traduit et s’accompagne d’un sentiment d’échec, d’avoir tout raté, de culpabilité terrible. Mais parfois, il n’y a rien à comprendre. Parfois le mal appelle le mal, la maladresse appelle la maladresse et c’est un cercle vicieux de haine qui se met en place. Le couple Katchadourian a fait son possible. Non pas qu’ils aient fait ce qu’il fallait. Ils ont jute fait ce dont ils étaient capables. Mais il arrive que le possible soit insuffisant et un grain de sable venu de nulle part, vient enrayer alors la mécanique. Et la beauté d’être parents de se transformer en le pire des cauchemars.

C’est le tragique destin de cette mère malmenée que nous propose cet authentique chef d’œuvre signé Lynne Ramsay, chef d’œuvre mineur par la renommée mais grand par la puissance qui s’en dégage. Le calvaire qui va débuter dès le départ pour se renforcer au fil des années telle une tornade gagnant en intensité au gré de ses ravages dont elle se nourrit, va se dérouler de manière implacable sous nos yeux sans possibilité d’échappatoire tant l’issue est aussi prévisible que redoutée. Kevin n’est pas un enfant banal. Kevin n’est pas non plus une enfant difficile. Kevin est au-delà de toutes ces notions. Quasi mystique, quasi surnaturel, Kevin pourrait presque renvoyer au Damien de La Malédiction. Monstre de perversité et de cruauté, sa méchanceté vile n’a d’égale que son intelligence redoutable pour savoir la mettre en place et l’organiser selon un calcul parfait et tétanisant. Et c’est sur sa mère, pauvre être désarmée et dépassée, n’ayant aucune possibilité de lutter contre son enfant qu’elle aime par instinct maternel et qu’elle se doit d’aimer par devoir, que va se focaliser un summum de haine aussi insoupçonnable qu’irraisonné dans un premier temps… le temps qu’un cercle vicieux terrible et fataliste se mette en place où l’on en revient à l’idée de la haine qui appellera la haine de manière croissante et quelque part réciproque.

Construit dans sa narration de façon éclatée à base de flashback parfaitement organisés pour ménager une progression intelligente dans ce drame caché sous des oripeaux de thriller psychologique, We Need To Talk About Kevin lève lentement le voile sur une tragédie annoncée et se révèle être l’un des grands moments cinématographiques de l’année, le genre de film qui imprègne les mémoires et dont le souvenir reste imprimé et tout aussi intense et viscéral bien après la fin de la projection. Ne ménageant personne, le film de Lynne Ramsay abat lentement ses cartes comme autant de coups de poignards visuels, sonores et narratifs faisant plier tout spectateur réfractaire pour le laisser à genou, abasourdi, épuisé et terrifié par ce voyage au cœur des affres d’une évolution, de l’enfance à l’adolescence, torturée et tortueuse, au cœur d’une relation mère-fils empoisonnée, au cœur d’un cauchemar dont il est presque impossible de s’extraire. Laissant planer un doute presque surnaturel sur la nature de ce Kevin quasi irréel tant on a du mal à croire qu’une telle abomination puisse fouler le sol de notre terre, dénué d’explications rationnelles, We Need To Talk About Kevin est une claque magistrale portée par une Tilda Swinton immense et à la mesure de ses deux alter ego, Jasper Newell et Ezra Miller interprétant tour à tour de façon prodigieuse l’un comme l’autre, Kevin enfant puis adolescent. Et dans cette lutte épiquement intimiste, John C. Reilly promène son flegme, celui d’un père masqué par des œillères et ne voyant rien du drame qui se joue sous ses yeux alors qu’il est pourtant en plein milieu d’un enfer terrestre brûlant. Dérangeant et désarçonnant, laissant complètement vide et sous le choc, We Need To Talk About Kevin est l’un des plus grands films de l’année 2011.

Bande-annonce :

2 thoughts on “WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN (critique)

  1. Magnifique film, très bien construit, avec des acteurs époustouflant (surtout Kévin).
    Un chef-d’oeuvre! A voir le plus vite possible, pour les personnes n’ayant pas encore eu la chance de voir ce film.

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