Mondociné

TAKE SHELTER (critique)

Partagez cet article
Spectateurs

Mondo-mètre :

Carte d’identité :
Nom : Take Shelter
Parents : Jeff Nichols
Livret de famille : Michael Shannon, Jessica Chastain, Tova Stewart, Shea Whigham, Kathy Mixon, Kathy Baker…
Date de naissance : 2012
Nationalité : Etats-Unis
Taille/Poids : 2h00 – 5 millions $

Signes particuliers (+) : Intelligent, intéressant, troublant. Une belle illustration du sentiment d’insécurité de l’homme.

Signes particuliers (-) : Ennuyeux, redondant. Jamais immersif.
 
 

A L’ABRI DANS L’ANTRE DE LA FOLIE

Résumé : Curtis LaForche est un américain moyen comme tant d’autres. Il a un métier, une famille qu’il aime, une maison, une vie paisible. L’approche d’une tempête éveille en lui des cauchemars apocalyptiques de plus en plus troublants, qui le plongent lentement dans un délire paranoïaque obsessionnel mettant en péril son équilibre…

Couronné de prix dans de nombreux festivals, de Sundance à Deauville en passant par Cannes, Take Shelter était précédé d’un bouche-à-oreille particulièrement intense faisant attendre avec impatience sa sortie sur nos écrans. En cette année 2012 et sur fond d’apocalypse fantasmée et redoutée par les aficionados de prophéties planétaires catastrophes, le cinéaste Jeff Nichols tourne le dos au genre et livre un film plus personnel et intimiste, loin des conventions du registre. Authentique film d’auteur préférant l’unité au tout, Nichols s’attache à un homme et par extension une famille, pour un drame intense se voulant surtout angoissant et suffocant par le biais d’une atmosphère lourde et pesante redéfinissant les thèmes de la peur, de l’angoisse, de la folie et de la paranoïa…

Take Shelter surprend et intrigue par son parti pris de film d’auteur calme et posé, loin des pitreries grandiloquentes des Bay ou Emmerich. S’adonnant au genre du film catastrophe, Nichols aborde la question par un angle inédit, celui du cérébral. Ici, la terreur catastrophique n’est pas planétaire mais dans la tête d’un homme, dans son esprit torturé, malade et angoissé. Curtis LaForche est un américain moyen, pareil à de nombreux américains. Mais Curtis est surtout atteint de troubles mentaux. Son obsession de la peur d’une catastrophe imminente le plonge en plein dans un délire paranoïaque qui va prendre des allures de spirale dramatique et de descente aux enfers incontrôlée.

Subtilement, Nichols va disséquer la folie de son personnage par le prisme de sa peur de perdre, de tout perdre et notamment ce qu’il aime à savoir « sa vie réussie », sa famille, sa femme et sa fille sourde. Son sentiment va le pousser à se battre, à combattre des fantômes imaginaires et irrationnels dans le but de protéger ce bonheur fragile. Le cinéaste livre ainsi une belle parabole sur la systématique peur de perdre ce que l’on a si chèrement acquis, ce que l’on tient. Sentiment humain par excellence, l’homme a toujours eu peur de perdre ce à quoi il tient pardessus tout tant il a conscience que son équilibre est précaire et repose sur ces éléments aussi précieux que tangibles. C’est de ce point de départ qu’il va construire cette passionnante réflexion sur un homme basculant dans la folie par peur, par angoisse de voir son bonheur quasi utopique et idéalisé, s’effondrer sous ses yeux. Voulant le retenir, le tenir avant tout, Curtis LaForche s’y accroche, s’y agrippe dans un délire de protectionnisme accru par son cerveau malade et déstabilisé.

Faisant preuve d’un belle maîtrise, d’une subtile progression dramatique graduelle dans l’évolution de son personnage et dans ses accès où l’hallucination se mêle à la réalité, Take Shelter réussit à investir le spectateur, à l’emporter dans cette épopée humaine psychologique et intime, terrifiante et magnifique à la fois et portée par un duo de comédiens en état de grâce. Michael Shannon (The Runaways, Bad Lieutenant) impressionne d’implication là où Jessica Chastain (The Tree of Life) reste en retrait, comme le lien retenant Curtis dans la réalité.

Oppressant, Take Shelter n’en demeure pas moins pour autant qu’une semi-réussite, la faute à certaine lenteur pas toujours juste, à une façon d’appuyer une idée que l’on a comprise par une trop grande répétition finalement lassante tant on voudrait voir le métrage avancer, évoluer. Trop statique, trop dans la retenue, Nichols aboutit à un film peut-être trop long qui aurait gagné à être plus concis pour avoir encore plus d’impact et de puissance et pour moins tourner en rond autour de son idée de départ. Reste cependant une superbe analyse de l’homme et de sa fragilité émotionnelle, de son manque de confiance en lui et de son équilibre précaire doublée d’une belle réflexion anticipatoire sur la peur grandissante d’une fin d’un monde proche du chaos et de la perte de repères face à l’inconnu et à ce qu’il pourrait potentiellement nous prendre, nous enlever. Lorgnant plus vers le raffinement d’un Terrence Malik ou le fatalisme d’un Lars Von Trier, Take Shelter est une belle œuvre hypnotisante qui, sans une quinzaine de minutes en trop, aurait pu nous bouleverser totalement.

Bande-annonce :

One thought on “TAKE SHELTER (critique)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close
Première visite ?
Retrouvez Mondocine sur les réseaux sociaux