[Note des spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : Bad Times at the El Royale
Père : Drew Goddard
Date de naissance : 2018
Majorité : 13 mars 2019
Type : Sortie eBlu-ray/DVD
Nationalité : USA
Taille : 2h22 / Poids : NC
Genre : Polar
Livret de famille : Jeff Bridges, Dakota Johnson, Jon Hamm, Cynthia Erivo, Chris Hemsworth, Lewis Pullman, Cailee Spaeny…
Signes particuliers : Un polar tarantinesque et loin d’être bête !
UNE NUIT EN ENFER
LA CRITIQUE DE SALE TEMPS À L’HÔTEL EL ROYALE
Synopsis : Sept étrangers, chacun avec un secret à planquer, se retrouvent au El Royale sur les rives du lac Tahoe ; un hôtel miteux au lourd passé. Au cours d’une nuit fatidique, ils auront tous une dernière chance de se racheter… avant de prendre un aller simple pour l’enfer. Bienvenue à l’hôtel El Royale, bel établissement anciennement prisé de la haute société, aujourd’hui vide et tombé en désuétude. A cheval entre deux Etats, la Californie d’un côté et le Nevada de l’autre, séparés par une ligne rouge traversant l’édifice en son centre, l’hôtel El Royale et tout son personnel vous attendent pour une virée en enfer l’espace d’une nuit pluvieuse qui va faire grincer des dents. Drew Goddard (La Cabane dans les Bois) en est le formidable patron, et les employés à votre service se nomment Jeff Bridges, Dakota Johnson, Jon Hamm, Cynthia Erivo, Chris Hemsworth ou encore Lewis Pullman. Une bien belle équipe pour un bien bon film !Mystérieux, Sale Temps à l’Hôtel El Royale l’est autant que l’immense bâtisse qui va piéger ses protagonistes le temps d’un huis-clos se déroulant sur une nuit de tempête. Et ce sera justement là tout le génie du film de Drew Goddard, savoir nous balader d’un personnage à l’autre en abattant ses nombreuses surprises comme autant de cartes gagnantes dans une partie de belote. Drew Goddard aime le cinéma de genre, il l’a brillamment prouvé avec son excellent La Cabane dans les bois. Avec El Royale, le cinéaste ne va pas s’y aventurer directement mais va flirter avec sa frontière, ancrant son film dans le pur polar tout en l’auréolant d’un parfum de lointaine épouvante contenue, et seulement présente dans une ambiance d’étrangeté permanente. Le résultat est aussi original qu’extrêmement efficace, et vient se plaquer sur un film intelligemment construit, s’érigeant sur une mécanique chapitrée pour maintenir constamment le suspens à flot en remontant une à une le fil des nombreuses ramifications proposées par les différents protagonistes de ce film noir délectable et captivant. D’une durée conséquente dépassant les 2h20, Sale Temps à l’Hôtel El Royale prend son temps pour construire et explorer la complexité de son arc dramatique qui mène finalement à une certaine simplicité narrative une fois la boucle bouclée. Mais le voyage aura été harassant, jubilatoire, proche de rappeler les méthodes d’un Tarantino sur des œuvres comme Reservoir Dogs, Pulp Fiction ou Les 8 Salopards.Sur son premier niveau de lecture, El Royale est un petit régal aux allures de simple divertissement à la fois fun, malicieusement ficelé et sacrément bien emballé par un Drew Goddard des grands soirs. Le réalisateur manie avec une excellente dextérité l’art des fausses pistes et des jeux de miroirs, s’appuyant sur le cadre de son action pour faire grimper la tension et la curiosité d’un spectateur constamment dans l’expectative, furetant dans tous les sens pour savoir où l’on cherche à l’amener. Dans cet inquiétant hôtel qui n’est pas sans rappeler le Overlook de Shinning ou le Bates Motel de Psychose, Goddard orchestre un chassé-croisé palpitant, rythmé par une gigantesque partition musicale aux petits oignons et une mise en scène magistrale bourrée de plans-séquences séduisants. Puis viendra le temps d’accélérer les choses, de rendre le film de plus en plus fou pour cueillir définitivement son audience. Ce sera peut-être là les seuls petits reproches que l’on fera au film. D’un côté, quelques longueurs -essentiellement dans sa deuxième moitié- imputables à un cinéaste qui se fait tellement plaisir (et qui nous fait tellement plaisir) qu’il manque parfois de discernement dans son montage. De l’autre, cette folie qui se dessine et que l’on aurait aimé voir se diriger vers un ton encore plus barré qu’il ne l’est déjà… un peu. Mais malgré ses menues imperfections, El Royale n’en demeure pas moins pour autant une sacrée virée esthétique et haletante, doublée d’un film plus intelligent qu’il n’en a l’air.
Car au sommet d’un thriller jouissif et diaboliquement malin, se pose le second niveau de lecture, celui révélant un film bien plus profond qu’il n’en a l’air de prime abord. En creux de ses affrontements à l’image, Drew Goddard dresse un subtil portrait de l’Amérique moderne observé par le prisme de son passé. Le metteur en scène dépeint une société yankee qui s’est écroulée depuis un bon bout de temps maintenant, et dont la déliquescence n’a rien de nouvelle comme certains l’affirment depuis l’ère Trump. L’hôtel El Royale pourrait ainsi être perçu comme la personnification d’une Amérique en ruines, qui a connu son heure de gloire il y a fort longtemps avant de tomber, pour ne ressembler aujourd’hui qu’à une institution dont le clinquant de façade cache en réalité fort maladroitement un côté suranné, poussiéreux, rétro dans le mauvais sens du terme. C’est à cela que ressemble l’hôtel dans les années 70 où l’action se passe, à un vieux machin dont le faste d’antan est une vieille chimère désormais abonnée à une beauté vintage à la ringardise rigolote. Comme l’Amérique moderne qui tente encore de faire croire à sa suprême puissance, mais qui a été ébranlée il y a longtemps au point que ses gesticulations actuelles prêtent juste à sourire. Dedans (l’hôtel comme le pays), tout le monde joue des personnages masqués, aucun n’est vraiment lui-même car la franchise et l’honnêteté ne sont plus de mise et il est conseillé de se méfier des beaux parleurs qui captivent les foules pour mieux les manipuler. Mais le film ne se contente pas de ce portrait social allant même jusqu’à évoquer même le mouvement #MeeToo via un personnage incarné par Xavier Dolan (on vous laisse la surprise), il va plus loin, jusqu’au commentaire politique. La Guerre du Vietnam, le Watergate, les agissements secrets de la CIA, les scandales étouffés pour préserver les plus illustres dirigeants étatiques, Goddard et son film montrent que la société américaine s’est délabrée dès les années 70, au point de s’empêtrer dans un cercle infernal sans possibilité de retour en arrière. Sa gloire est passée et seul le ridicule de l’image qu’elle renvoie a subsisté.Redoutablement malin sur la forme comme sur le fond, en plus d’être joueur, élégant et porté par une superbe galerie de bons comédiens, Sale Temps à l’Hôtel El Royale est un petit must très bien bâti (et loin d’être aussi décousu que certains le disent) qui croît crescendo en densité pour exploser en bouche sur la durée comme un excellent polar doublé d’un brûlot politique bien déguisé en film de genre.
LE TEST BLU-RAY
Visuellement, rien à redire sur la galette Blu-ray du film qui, comme souvent avec les éditions de la 20th Century Fox, assure un rendu image de grande qualité. Les différentes tonalités colorimétriques et la magnifique photo brillent de mille feux, aidées par une image d’une impeccable netteté qui gère parfaitement les contrastes comme les détails et textures. Du côté des pistes sons, la VOST explose là où la VF paraît un peu plus limitée. Logique puisque la piste anglaise nous offre un solide DTS-HD Master Audio 7.1 plus précis que la 5.1 de la piste française. Néanmoins, dans un cas comme dans l’autre, le Blu-ray de Sale Temps à l’Hôtel El Royale sait optimiser ses capacités techniques pour déployer une puissance agréable.
Côté « suppléments » en revanche, difficile de cacher sa légère frustration de ne voir qu’un seul bonus venir accompagner le long-métrage, en l’occurrence un making-of de 28 minutes qui nous emmène dans les coulisses du film. Même s’il se révèle assez complet, passant en revue le casting, la mise en scène, le travail sur la photo (qui soutient un film tourné sur pellicule) ou encore les décors et costumes, on reste quand même un peu sur sa faim.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux