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PETITE FILLE de Sébastien Lifshitz : la critique du film

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Spectateurs

Carte d’identité :
Nom : Petite Fille
Père : Sébastien Lifshitz
Date de naissance : 2019
Majorité : 02 décembre 2020
Type : diffusion sur Arte (dispo sur ArteVOD)
Nationalité : France
Taille : 1h25 / Poids : NC
Genre : Documentaire

Signes particuliers : Magnifique, tout simplement.

 

 

AU NOM DE MA FILLE

NOTRE AVIS SUR PETITE FILLE

Synopsis : Sasha, né garçon, se vit comme une petite fille depuis l’âge de 3 ans. Le film suit sa vie au quotidien, le questionnement de ses parents, de ses frères et sœur, tout comme le combat incessant que sa famille doit mener pour faire comprendre sa différence. Courageuse et intraitable, Karine, la mère de Sasha, mène une lutte sans relâche portée par un amour inconditionnel pour son enfant.

 

Ce n’est pas commun de signer deux chefs-d’œuvre la même année. Déjà un, c’est pas mal mais alors deux… Pourtant, aussi improbable que cela puisse paraître, c’est l’exploit réalisé par Sébastian Lifshitz. Cet été, le documentariste nous avait cueilli avec Adolescentes, sublime portrait croisé de deux ados de leurs 13 à leurs 18 ans. Outre son excellence dans le registre du « documentaire », Adolescentes avait aboli la frontière de son genre pour s’imposer comme l’un des meilleurs films de l’année tout court. Quelques mois plus tard, Sébastien Lifshitz est (déjà) de retour avec Petite Fille, qui lui en revanche ne verra pas le jour au cinéma mais directement sur Arte le 02 décembre prochain (et déjà disponible sur ArteVOD). Petite Fille, c’est à nouveau un regard tourné vers l’enfance, cette fois celle de la petite Sasha, 8 ans, joli p’tit brin de fillette…née dans un corps de garçon. Petite Fille va capter toute sa détresse d’enfant, sa douleur, et celle de ses parents qui vont mener un véritable combat pour faire reconnaître leur enfant comme elle le souhaite et ainsi lui rendre une enfance que la société est en train de lui voler. Car ce n’est pas une « passade », il n’est pas question de devoir être « ferme » devant un « caprice ». Sasha est atteint de dysphorie de genre et elle souffre de ne jamais pouvoir mettre la robe qu’elle veut, avoir le cartable ou la trousse qu’elle veut…

Définitivement, Sébastien Lifshitz est un magicien. Digne héritier des plus grands et dont la douceur du regard documentaire rappelle un peu les travaux de Nicolas Philibert, Lifshitz est un prodige qui sait allier sans commune mesure justesse et poésie, avec une grâce engagée comme on en voit rarement. « Grâce » parce que ses films dégagent une délicate magnificence forgée dans un véritable sens du beau et de la subtile émotion. Intelligents et poignants, ses films ont aussi une vraie patte esthétique qui confère au magnifique. « Engagée » car il a toujours quelque chose à dire et à défendre au-delà de son sujet spécifique. Avec Petite Fille, Sébastien Lifshitz nous met à genoux devant le parcours édifiant et bouleversant de cette petite Sasha dont les rêves sont aussi simples que compliqués. Avec quelques efforts, un peu de bienveillance, d’ouverture d’esprit et de compréhension, la vie de la petite Sasha aura pu être plus simple malgré la complexité de son problème, son enfance n’aurait pas été un combat douloureux. Mais voilà, nous sommes en 2020 et le rejet de la différence et de ce que l’on ne comprend pas est toujours une réalité quotidienne contre laquelle il faut lutter. Les adultes ont les armes même si elles s’épuisent parfois à force de guerroyer. Mais les enfants ? Qu’ont-ils pour affronter l’adversité ? Pour affronter l’adversité de leurs semblables et pire, celle des adultes censés être les garants de leur protection ?

La rigidité d’une société ultra-codifiée, un corps enseignant qui ne comprend pas (ou qui fait très bien semblant de ne pas comprendre pour ne pas s’emmerder la vie), des regards moqueurs, un conservatoire de danse qui fait éhontément dans la transphobie, voilà à quoi Sasha (8 ans – on le rappelle) a dû faire face. Voilà à quoi ses parents ont dû faire face en plus des accusations et des menaces. Leurs torts ? Avoir voulu rendre leur enfant heureux en le soulageant d’une peine qui le dévorait de l’intérieur depuis ses premières années. Mon dieu, quel crime abject !! Petite Fille est un cri d’alerte niché derrière un portrait discret. Sébastien Lifshitz défend fermement une cause mais sans jouer les frondeurs façon Michael Moore. Son crédo à lui, ce n’est pas le combat porteur mais l’intime qui dévoile, c’est savoir être toujours là où il faut quand il faut, savoir capter le plan qui dit tout et même plus encore. Mais avec ce don d’être invisible. Sa caméra est cachée, jamais intrusive, elle flotte en apesanteur, là et pas là en même temps, elle montre, retranscrit, traduit des émotions et des ressentis.

Puissant, dévastateur et imparable (prévoyez 2-3 paquets de mouchoirs tant les 1h22 du film sont un concentré d’émotions très intenses), Petite Fille est une merveille de tendresse, un petit portrait sur un petit boutchou dont la grandeur n’en finit plus d’émouvoir. Il s’en dégage un peu de douleur et de cruauté certes, mais aussi beaucoup de lumière et beaucoup d’amour, l’amour inconditionnel de parents dévoués et l’amour indéfectible d’une enfant qui se sent aimée. Et in fine, on n’a qu’une envie, vouloir dire à cette enfant qu’elle est formidable, vouloir dire à ses parents qu’ils sont formidables, et que nous sommes de tout cœur avec eux.

EXTRAIT :

Par Nicolas Rieux

4 thoughts on “PETITE FILLE de Sébastien Lifshitz : la critique du film

  1. J’ai été bouleversée et très émue par ce merveilleux documentaire tout en finesse et en pudeur.
    Cette « petite fille » douce et discrète enfermée dans un corps de garçon qui semblerait ne pas lui appartenir, fait preuve de beaucoup de courage, malgré l’incompréhension, l’intolérance et la stupidité de certains adultes qui n’ont rien compris, que cela doit être douloureux d’endurer tant de souffrances si jeune.
    Suis ton chemin chère petite Sasha, entourée par tes parents qui te portent un inconditionnel Amour, tes frères et soeurs qui sont très présents également pour t’aider et te soutenir. Tu as la chance d’avoir une famille AIMANTE et unie et cela est indispensable pour t’accompagner. L’AMOUR, Sasha il n’y a rien de plus beau ni de plus fort, et tu as beaucoup de chance de ce côté là.
    Poursuis ton chemin sans te décourager, malgré toutes les difficultés que tu pourras rencontrer et crois-moi tu rencontreras sur ta route beaucoup de personnes qui t’aimeront.
    Je pense bien à vous tous.

  2. Oui très beau sujet, Sasha et sa famille son très touchants de sincérité, d’amour et d’envie de vivre tout simplement. Belle vie à vous !

  3. C’est un magnifique documentaire qui donne envie de prendre Sasha et sa maman dans nos bras pour leur dire à quel point elles sont formidables. On voudrait crier notre colère aussi à ce directeur d’école qui a finalement accepté Sasha comme elle était, mais qui ne voulait rien entendre ni rien comprendre…Quelle image déplorable de l’Education Nationale dont le rôle est aussi de protéger et d’accepter un enfant tel qu’il est!! Bravo à Mr Lifshitz!! Votre sensibilité et votre écoute ont permis à la famille de Sasha de nous dévoiler sans voyeurisme, leur intimité et leur lutte quotidienne pour que Sasha soit juste heureuse. MERCI MERCI

    1. Juste pour préciser : l’Education Nationale n’est pas en cause dans cette situation-ci, la gamine allait dans une école privée.
      Autre chose qui n’a rien à voir : avez-vous une idée de l’âge à partir duquel on peut montrer ce film à des enfants ? Car certes, il n’y a pas de violence physique montrée dans ce film, mais la violence psychologique de certaines situations et la force des émotions provoquées par ce film sont presque traumatisantes, même pour moi. D’un autre côté, ce film me semble très « éducatif ». Je n’arrive donc pas à me faire une idée.

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