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LES TUEURS de Robert Siodmak
Critique – Sortie DVD/Blu-ray

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note 9 -10
Carte d’identité :
Nom : The Killers
Père : Robert Siodmak
Date de naissance : 1946
Majorité : 08 octobre 2014
Type : Sortie DVD, Blu-ray
Nationalité : USA
Taille : 1h45 / Poids : NC
Genre : Film noir

Livret de famille : Burt Lancaster (Pete Lunn dit Le Suédois), Ava Gardner (Kitty Collins), Edmond O’Brien (Reardon), Albert Dekker (Colfax), Sam Levene (Sam), Virginia Christine (Lilly), Vince Barnett (Charleston)…

Signes particuliers : Un chef d’oeuvre du film noir, réalisé par un Robert Siodmak au sommet de son talent. Construction inspirée du Citizen Kane d’Orson Welles, mise en scène de génie, distribution magique… Fascinant.


MAIS QUI A TUÉ LE SUÉDOIS ?

LA CRITIQUE

Résumé : Un soir, dans une petite ville qui traverse la route nationale, arrivent deux inconnus. Ils cherchent quelqu’un. Ce sont des tueurs à gages. Leur victime sera un autre inconnu, Pete Lunn, installé depuis peu dans cette modeste bourgade et qui tient un poste d’essence. Pete Lunn, prévenu de leur arrivée, ne cherche cependant pas à s’enfuir et attend avec fatalisme qu’ils l’abattent. Mais Lunn avait souscrit à une assurance sur la vie. La compagnie d’assurance désigne l’un de ses détectives, James Reardon, pour enquêter sur cette affaire. Interrogeant les témoins et ceux qui ont connu Pete Lunn, Reardon reconstitue le puzzle mystérieux… La vie de Lunn, dit le « Suédois ». Cet ancien boxeur a participé au hold-up d’une usine, avec des gangsters. Pourquoi ? Par amour. Mais en faisant connaissance de la trop belle Kitty, Pete Lunn s’est perdu. « Roulé » par les gangsters et par Kitty, il était déjà un mort en sursis après la trahison de celle qu’il aimait. Voilà pourquoi il a attendu la mort avec résignation.les tueurs gardner lancaster L’INTRO :

1946. Le film noir est à la mode du côté d’un Hollywood en plein âge d’or. Le Faucon Maltais en 1941, puis une vague de films tels que Assurance sur la Mort, Laura, Le Roman de Mildred Pierce, Détour ou La Rue Rouge l’ont popularisé. Pourtant, cette même année, il allait connaître son année la plus prolifique : Le Criminel, Le Grand Sommeil, Le Facteur Sonne Toujours Deux Fois, Gilda, Péché Mortel etc… Et Les Tueurs. Le cinéaste Robert Siodmak, très productif tout genre confondu depuis le début des années 30, décide d’adapter une nouvelle de Ernst Hemingway parue en 1927, The Killers. Il recrute comme complices de jeu, une beauté fatale qui deviendra une fascinante femme fatale en la personne d’Ava Gardner, et un jeune gaillard costaud et charismatique mais totalement nouveau sur grand écran et faisant sa première apparition : Burt Lancaster. Derrière la caméra, on notera que John Huston ou encore Richard Brooks (non crédités) participeront à l’élaboration d’un scénario qui prend amplement ses distances avec le matériau originel d’Hemingway.les tueurs

L’AVIS :

Les Tueurs n’est pas un classique du cinéma pour rien. Robert Siodmak, maître de la série B américaine de son époque, prouve une fois de plus son talent de conteur en orchestrant avec génie ce qui restera comme un chef d’œuvre du film noir, parmi les meilleurs du genre. Burt Lancaster habille l’écran de sa présence à la fois robuste et fragile, Ava Gardner l’embrase à chaque apparition, aussi comptées soient-elles, et Siodmak livre un récit accrocheur dont il est impossible d’éviter le tranchant de sa lame efficace. Son originalité dans la constellation des films du registre produit à l’époque, réside dans sa structure empruntée au Citizen Kane d’Orson Welles, sorti quelques années auparavant. La narration, comme le montage, ont en effet de particulier de nous raconter avec une maîtrise épatante, une histoire dont on connaît déjà la fin, poussant à l’extrême le fameux adage scénaristique : « la question n’est pas de savoir comment mais pourquoi ». Plus clairement, Les Tueurs débute avec l’assassinat du « Suédois » alias Lancaster. Audacieux, Siodmak tue son héros d’entrée de jeu. On comprend mieux le choix d’un acteur débutant, combien de stars de l’époque auraient catégoriquement refusé un tel traitement ? Et à l’image de Citizen Kane, c’est au travers d’une enquête minutieuse et collectant les indices au gré des flashbacks illustrant les propos des différentes personnes que va rencontrer un enquêteur d’une compagnie d’assurance, que le cinéaste va remonter le fil de l’histoire de ce malheureux et nous amener à comprendre pourquoi cette fin sous les balles d’un acte vengeur et meurtrier.killers_01 À l’inverse des codes du thriller classique mais égrenant un à un tous ceux du film noir (femme fatale, héros désabusé, querelles entre truands, enquête policière…), Les Tueurs ne mise pas sur le suspens et l’angoisse de la finalité de la trajectoire de son héros. La fin, Robert Siodmak « la liquide » dès le départ au risque de surprendre le spectateur. Et pourtant… Avec un sens aiguisé de l’attente captivante et du mystère, l’étreinte du suspens va venir autrement dans ce polar original dans son genre. Elle va venir de la tension, de l’addiction à l’énigme, du besoin ensorcelant d’avoir les réponses aux questions que l’on se pose à notre tour, comme si l’on était à l’intérieur de l’impair de cet enquêteur acharné qui ressent ce besoin de connaître le mot de la fin. Mais parce que son « astuce scénaristique » inversant sa narration n’aurait peut-être pas suffit à en faire un bijou, il y a tout le reste. Sa distribution somptueuse, ses personnages fascinants et complexes, la mise en scène inspirée d’un Siodmak des grands soirs, soigneux de jouer avec son noir et blanc, avec la lumière, les cadrages, capables d’une grande variété de styles au sein d’une même œuvre… Ancien faiseur méritant, avec Les Tueurs, Siodmak est devenu un cinéaste émérite. Un film qui aura changé beaucoup de choses pour beaucoup de monde. Et ce n’est pas « monsieur muscles et dents » (le surnom de Lancaster) qui dira le contraire.the-killers-original

Le test : Les spécialistes de la passion cinéphile de chez Carlotta Films réédite Les Tueurs dans un nouveau master restauré de toute beauté. Disponible en DVD et pour la première fois en Blu-ray, le film de Robert Siodmak se présente avec une image absolument superbe et cette édition restitue à merveille la profondeur du noir et blanc de ce chef d’œuvre intemporel. Côté son, on restera sur du mono 1.0 mais qu’importe, le bonheur est déjà total. Les Tueurs brille de mille feux. Un mot des bonus, très nombreux. Un premier documentaire de 23′ sur le rapport Hemingway/Siodmak, un entretien de 16′ avec Hervé Dumont et plusieurs modules, sur l’influence de l’expressionisme dans le film ou encore sur la mémorable séquence de boxe. Enfin (et quel morceau !), la présence du premier court-métrage d’études du russe Andreï Tarkovski, qui avait justement adapté de manière plus fidèle, la même nouvelle d’Hemingway. Superbe édition !

BANDE-ANNONCE :

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