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LE GRAND AMOUR (critique)

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Le-Grand-AmourMondo-mètre :
note 7.5
Carte d’identité :
Nom : Le Grand Amour
Père : Pierre Etaix
Livret de famille : Pierre Etaix (Pierre), Annie Fratellini (Florence), Nicole Calfan (Agnès), Alain Janey (Jacques), Ketty France (Mme Girard), Louis Maiss (Mr Girard), Jacqueline Rouillard (Mme Louise)…
Date de naissance : 1969
Nationalité : France
Taille/Poids : 1h27 – Budget NC

Signes particuliers (+) : Proche du cinéma d’un J. Tati, un beau film français plein de sincérité mêlant satire, drôlerie ubuesque et poésie. Une œuvre et un artiste singuliers.

Signes particuliers (-) : Une étrange impression de modernité sur bien des points et parfois de désuétude sur d’autres.

 

L’AMOUR EN POÉSIE

Résumé : Pierre avait le choix parmi ses conquêtes. Mais finalement, pour respecter les conventions, il s’est marié à Florence. Elle comme une autre après tout… A bientôt quarante ans, il travaille avec son beau-père dans l’entreprise familiale. L’ennui, la monotonie, les années qui passent, Pierre n’est plus amoureux, en a marre et se voit même, au contraire, très attiré voire obsédé par sa belle et envoûtante nouvelle secrétaire Agnès…

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Quatrième film (sur sept au total) de Pierre Etaix, toujours écrit à quatre mains avec son ami Jean-Claude Carrière, Le Grand Amour est le premier en couleurs du cinéaste français trop injustement méconnu aujourd’hui et dont une récente restauration des films permet de les redécouvrir dans des copies comme neuves. En effet, mauvais stockage dans de médiocres conditions, l’œuvre de Pierre Etaix avait souffert du poids des années jusqu’à une vaste entreprise de peaufinage pour les remettre comme neufs, image comme son. C’est dans un coffret splendide que l’intégralité de son œuvre est ainsi ressortie, agrémenté dans un passage dans les salles obscures. On peut remercie la fondation Groupama qui a notamment contribué à ces travaux de restauration ainsi que la justice qui a fini par trancher alors qu’une grande partie de l’œuvre d’Etaix était bloquée pour des problèmes de droits. Le cinéaste a récupéré son œuvre et depuis 2010, elle est de nouveau visible.

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Le Grand Amour est essentiellement célèbre pour sa séquence culte du couple se baladant sur les routes dans leur lit. Une scène ubuesque et délirante qui restera dans les annales du cinéma français. Ubuesque à l’image de l’œuvre d’un cinéaste dont Le Grand Amour est peut-être un des films les plus « classiques » va t-on dire, moins clownesque. Endossant le rôle d’un ancien coureur de jupons désormais homme marié à Florence, une jeune femme de bonne famille, s’embourgeoisant à co-diriger l’entreprise familiale avec son beau-père tout en étant irrésistiblement attiré, à l’approche de la quarantaine, par sa nouvelle et belle secrétaire, Pierre Etaix est une fois de plus le héros sentimental de son film. Autour de lui, des femmes, beaucoup de femmes, dans un film qui s’amuser à critiquer la bourgeoisie parisienne tout en parlant, avant tout, d’amour. Annie Fratellini, du clan des célèbres clowns Fratellini, est Florence, la femme de Pierre. Et surtout, il y a Nicole Calfan, la jeune et belle secrétaire pour qui Pierre se damnerait, alors qu’il traverse une grosse période de doute conjugal.

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A la fois héritier de Buster Keaton et proche du style Jacques Tati, Pierre Etaix fait dans le burlesque utilisé comme satire sociale dans un univers doux, poétique, maniant l’humour non sans le délier d’une forte composante quelque part entre le dramatique et le mélancolique. Comme si ses personnages, tout aussi drôle qui soit, comme si l’ambiance de ses films, tout aussi légère qu’elle soit, portaient en eux une sorte d’angoisse trouble qui donne aux films du cinéaste un ton particulier et presque unique. Mi-drôle, mi-triste, mi-comique mi-dramatique, les films de Pierre Etaix, Le Grand Amour en particulier, naviguent entre deux eaux et respirent la singularité de l’œuvre d’un cinéaste unique. Un cinéaste qui a souvent œuvré dans la clownerie avant de se laisser glisser donc vers un ton pas très éloigné de Jacques Tati à l’image du Grand Amour où Etaix délivre une jolie critique caricaturale de la petite bourgeoisie parisienne et de ses travers. Le cinéaste brocarde une classe sociale sans jamais être méchant, plutôt rangé dans la délicieuse moquerie clin d’œil et coup de coude à l’appui avec au passage, un amusant « Eh, allez, rigole, c’est pas méchant…».

Le-grand-amour---Pierre-Etaix-et-Annie-Fratellini

Plein de fantaisie et de poésie, contrebalançant l’ironie, Le Grand Amour est un film décalé, un peu rêveur, beaucoup poétique, totalement décalé. Le cinéaste se moque de la narration classique, des codes ou de ce qu’il faut faire ou ne pas faire, il fait ce qu’il a envie dans un film qui fait entrer le rêve dans le réel, le réel dans le rêve, qui bifurque, qui brouille la linéarité, qui mélange le diégétique et l’extra-diégétique, qui avance, revient en arrière, repart en avant, s’arrête… Ami de la cohérence et du classicisme, le cinéma de Pierre Etaix n’est pas pour vous. On surnage ici dans la fantaisie pure, dans un univers où le fantasme s’entrechoque régulièrement avec la réalité, donnant lieu à des passages totalement étranges mais bourrés de second degré et de drôlerie, préfigurant un style libéré des contraintes qui va se répandre dans un certain cinéma français des années soixante-dix.

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Sérieux, pas sérieux ? La force du Grand Amour et du style Etaix/Carrière, est d’être les deux. L’humour, le gag décalé, l’ambiance et le ton un peu surréalistes, n’ont comme but que de renforcer l’impact des séquences dramatiques en apportant une légèreté magique voire triviale qui tranche. Un second degré qui contrebalance et donne du coup du relief à sa voisine, la mélancolie dramatique. Attachant, Pierre devient alors un héros sentimental à la fois pathétique, dramatique, drôle, objet d’une moquerie jamais grinçante, toujours pleine de douceur et de tendresse. On se régale à admirer l’œuvre d’un artiste vraiment spécial, qui mériterait d’être plus célébré car fondamentalement inscrit dans notre patrimoine cinématographique et dont certaines idées étaient d’une étonnante modernité dans le décalage. C’est drôle de voir que ce sont des auteurs étrangers comme Woody Allen qui se charge de véhiculer son nom et son œuvre.

La célèbre scène du lit voyageur :

2 thoughts on “LE GRAND AMOUR (critique)

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