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CHOCOLAT de Roschdy Zem : la critique du film

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chocolatMondo-mètre
note 3 -5
Carte d’identité :
Nom : Chocolat
Père : Roschdy Zem
Date de naissance : 2014
Majorité : 03 février 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h50 / Poids : NC
Genre : Drame, Biopic

Livret de famille : Omar Sy (Chocolat), James Thierrée (Footit), Clotilde Hesme (Marie), Olivier Gourmet (Oller), Frédéric Pierrot (Delvaux), Noémie Lvovsky (Mme Delvaux), Alice de Lencquesaing (Camille), Olivier Rabourdin (Gemier)…

Signes particuliers : Un biopic drôle et touchant, ludique, et par petites touches, capable d’en dire plus que la simple illustration d’une existence tragique et méconnue.

EN SCÈNE, L’ARTISTE !

LA CRITIQUE

Résumé : Du cirque au théâtre, de l’anonymat à la gloire, l’incroyable destin du clown Chocolat, premier artiste noir de la scène française. Le duo inédit qu’il forme avec Footit, va rencontrer un immense succès populaire dans le Paris de la Belle époque avant que la célébrité, l’argent facile, le jeu et les discriminations n’usent leur amitié et la carrière de Chocolat. Le film retrace l’histoire de cet artiste hors du commun.chocolat_omar_syL’INTRO :

Non content d’être déjà un comédien d’exception, Roschdy Zem a confirmé qu’il était aussi capable de se frotter à la réalisation avec une modeste réussite. Ses trois premières tentatives (Mauvaise Foi, Omar m’a tué et Bodybuilder) parlaient pour lui au moment de se lancer dans son plus gros défi en tant que cinéaste, un biopic dramatique historique sur la vie mouvementée du célèbre clown oublié, Chocolat, qui a su conquérir Paris au début du XXème siècle en compagnie de Footit, son mentor et partenaire de scène. Footit et Chocolat, ces deux noms n’évoqueront probablement pas grand-chose aujourd’hui. Pourtant, c’est ce même duo qui, en son temps, a su révolutionner l’art clownesque, au sens propre comme au sens figuré. Un siècle plus tard, Roschdy Zem réhabilite ces deux vedettes, en s’attachant surtout au parcours de Chocolat (de son vrai nom Rafael Padilla), « le noir le plus célèbre de France » disait-on trivialement dans une époque où la question des « races » était encore abandonnée à la vision rétrograde d’un âge prétendument « civilisé » et pourtant redoutable de cynisme.chocolat_filmL’AVIS :

« Les grandes déclarations du style « Nous naissons libres et égaux », tout ça, c’est du vent. » s’exclame un personnage dans Chocolat. En mettant en scène la vie méconnue du clown noir qui amusait le Tout-Paris de l’époque, Roschdy Zem va plus loin que la simple illustration ludique et informative d’une vie non-conforme aux idéaux malveillants d’un temps où la négritude était l’objet d’une inconsidération crasse et d’une vision hiérarchisée de l’être humain. La force et l’intérêt d’un biopic abouti, c’est quand il parvient à nouer une relation étroite entre le passé qu’il raconte et l’époque contemporaine dans laquelle il s’inscrit. Et sur ce point, Roschdy Zem transforme son essai, signant au-delà des péripéties tragi-comiques d’un homme dont le succès sera à contrario emblématique de sa condition, une fable résonnante de force et de modernité sur le racisme en général, et le racisme quotidien en particulier. Le racisme, ce n’est pas seulement la haine primaire de l’étranger. C’est aussi une multitude de petites choses banales, dans la perception de l’autre, des pensées distordues, des réflexions, des préjugés, des regards, des idées schématiques… Chocolat parvient à allier récit historique divertissant et émouvant, et écho actuel discrètement esquissé en fond de toile, pour mieux se dénicher une rétro-modernité soutenant son envol vers plus, que sa seule histoire touchante relatée de façon didactique.chocolat_omarAu centre de cette attachante légende réelle contée avec beaucoup de tendresse et de bienveillance, comme dans Intouchables ou dans Samba avant lui, Chocolat est avant tout, une nouvelle performance héroïque d’Omar Sy, au diapason de celle de la révélation James Thierrée (petit-fils de Chaplin et brillant interprète de Footit). Pas à pas, « l’artiste rigolo » avait gagné ses galons d’acteur. Époustouflant, il confirme, si certains en doutaient encore, qu’il est un vrai bon comédien, capable de grandes choses grâce au naturel vivifiant de son jeu sans détour ni manière, seulement l’expression d’un cœur gros comme ça et d’une envie d’être dans le partage permanent. S’imposer avec crédibilité au-delà de la facette comique et rieuse du « black marrant et sympathique« … Et si finalement le choix d’Omar Sy pour accompagner ce Chocolat avait bien plus de portée symbolique qu’une simple idée de casting bankable ? Car en définitive, et en prenant en compte le fait que le rôle ait été écrit spécialement pour lui, on pourra voir dans certains traits de ce personnagesymbole, une autre résonance articulant la fiction au réel, l’interprété et l’interprète, témoignant de certaines idées sociétales encore d’actualité.chocolat_film_2016Avec Chocolat, Roschdy Zem signe un effort honnête, un bon film à défaut de s’imposer un grand film. Peut-être parce que le sujet représentait un risque à lui seul (du moins commercial), le cinéaste n’en prend finalement guère dans l’œuvre qu’il propose, restant souvent dans une sorte de zone de confort ou le manque de panache se conjugue à un manque d’audace. Avec Chocolat, on sait plus ou moins d’où l’on part et où l’on va (même en ne connaissant rien du personnage réel) et le chemin sera aussi élégant que relativement sage. Comme porté par une force presque trop tranquille, Roschdy Zem déroule, s’appuyant sur la générosité d’Omar Sy, sur la puissance de son sujet, et sur un mélange de rires et d’émotions conçu non sans une certaine facilité des sensations. Que ce soit dans la comédie ou dans le drame, dans le burlesque ou dans la tragédie bouleversante, Chocolat s’applique à viser l’efficacité, au risque de tomber dans une forme de simplicité, voire de platitude narrative comme artistique. En résumé, fidèle à ce que l’on avait pu voir de lui précédemment, Zem confirme qu’il est un metteur en scène suffisamment solide pour façonner des longs-métrages qui fonctionnent, quel que ce soit le genre auquel il se frotte (comédie, drame, policier), mais avec cette même incomplétude récurrente, celle d’un manque de génie cela dit compensé par beaucoup de sincérité dans la démarche.QN6qfAu final, Chocolat ne brille pas par sa richesse créative ou son caractère appuyé, et s’apparente davantage comme un drame joliment executé, conduit avec un brin de naïveté et égrenant un à un, tous les passages attendus du genre pour faire revivre un mythe oublié dont l’ascension aura été barrée par les conventions de son époque. Avec énergie et entrain, Roschdy Zem s’applique surtout à élaborer un film accessible et populaire, comme il le présente, évitant de se perdre dans la profondeur qu’il aurait pu épouser, pour mieux rester assis sur ces deux adjectifs qui le décrivent parfaitement autant qu’ils ne le limitent. Néanmoins, et malgré quelques menues trahisons faites à l’histoire réelle, on est vite amené à se laisser prendre par cette belle aventure teintée de romanesque, à la fois lumineuse et tragique, tour à tour pleine de drôlerie et d’émotions, faisant découvrir un homme tristement oublié en réhabilitant son nom. Chocolat est une œuvre conçue pour plaire et elle devrait, à n’en pas douter, trouver et séduire sans peine son public. On ne peut que le lui souhaiter compte tenu de sa franche candeur et de son capital sympathie.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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