Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Ararat
Père : Atom Egoyan
Livret de famille : Charles Aznavour (Saroyan), Marie-Josée Croze (Celia), Bruce Greenwood (C. Ussher), David Alpay (Rafi), Christopher Plummer (David), Brent Carver (Philip), Rsinee Khanjian (Ani), Simon Abkarian (Arshile), Elias Koteas (Ali)…
Date de naissance : 2002
Nationalité : France, Canada
Taille/Poids : 1h55 – 7 millions $
Signes particuliers (+) : Quelques trouvailles scénaristiques intéressantes dans la construction du film et sa façon de discourir.
Signes particuliers (-) : Un film ultra-engagé traitant à charge d’un sujet sensible sans aucun discernement. On espérait plus intelligent de la part d’un cinéaste comme Egoyan et non une missive sans intérêt, présentant une pensée faite de raccourcis aberrants et d’erreurs. Scandaleux, hypocrite et mauvais.
YASSER ARARAT ? (ndlr : pardon…)
Résumé : Film à tiroir aux histoires multiples, Ararat conte à la fois : un jeune homme tentant de passer la douane canadienne, un metteur en scène réalisant un film sur le génocide arménien, un artiste élaborant le portrait de sa mère, une femme cherchant à comprendre comment son père a disparu etc…
Atom Egoyan : «En faisant ce film, je ne me suis pas rendu compte de la portée politique…»
Dis donc Atom, juste par hasard, tu te foutrais pas un peu de notre gueule dès fois ? D’autant qu’il s’est par la suite contredit en évoquant ouvertement son envie d’évoquer ici des faits historiques douloureux.
Se plongeant dans la complexe et délicate affaire (plus que jamais d’actualité) du génocide arménien avec ses implications et conséquences actuelles sur les peuples des deux nations, Ararat ose s’attaquer à un sujet brûlant et passionnant d’un point de vue historique dont toute la dimension n’est pas clairement établie et révélée encore aujourd’hui, bien que désormais la loi nous interdise, d’une certaine manière, d’en débattre.
En soi, Ararat est presque un bon film. Multipliant les récits avec tous comme point central l’Arménie, réfléchissant sur les questions d’identité, de mémoire, de passé, d’histoire personnelle souvent difficile à retracer, à appréhender, à reconstituer, à explorer, Ararat est riche, très riche. A cela, s’ajoute la question sérieuse du fameux génocide arménien au centre de nombre de troubles géopolitiques encore aujourd’hui, presque 100 ans plus tard. A l’inverse d’un produit basique dramatisant sur cet évènement, Egoyan a eu l’intelligence de complexifier son récit avec un entremêlement d’histoires, une mise en abyme via le tournage d’un film dans le film, l’intégration au récit de personnages intéressants comme l’acteur turc joué par Elias Koteas, le jeune homme arménien cherchant à retrouver ses racines (personnifiant Egoyan lui-même qui, ayant grandi au canada, a découvert ses origines arméniennes à 18 ans) etc. Ararat est même passionnant, intéressant et montre un effort créatif… en surface tant que la machine ne se grippe pas à cause du filtre de l’analyse historique.
Car si l’on creuse un peu, l’on se retrouve face à un dilemme. Qu’était-on en droit d’attendre de la part d’un cinéaste comme Egoyan ? Un film ultra-engagé ? Une revendication filmée ? Ou un film ouvrant au débat ? Un film dépassant la simple portée nationaliste pour aboutir à une vraie réflexion sur le sujet ? Et c’est là qu’Egoyan déçoit. Truffé d’erreurs historiques, déformant la réalité, caricaturant de façon grossière et outrancière les personnages et situations, le film du cinéaste passe difficilement. Contrairement à ce qu’il a pu dire en interview avec une certaine hypocrisie ou retenue, non, son film ne présente A AUCUN MOMENT le point de vue turc de la chose pour vraiment amener intelligemment le débat. Son personnage de l’acteur turc (la justification de l’argumentation d’Egoyan) est utilisé dans le récit comme simple pion servant à développer et imposer le point de vue arménien. Sa conversation avec un Arménien ne dépasse pas le cadre du message pour s’ouvrir au débat. Le turc reste juste là pour permettre à l’Arménien d’exposer ses opinions mais à aucun moment Egoyan n’élargit son film sur un vrai débat de fond sur une question passionnante géopolitiquement parlant.
Mais le plus gros écueil reste probablement celui du film dans le film. Extrêmement caricatural, exagéré, propagandiste voire (ironiquement) raciste envers les turcs, Ararat aurait pu facilement justifier la caricature en rappelant bien qu’il s’agit du tournage d’un film à gros budget contenant forcément une exagération… Malheureusement, il n’en fait rien. Au contraire, il justifie par un message final inévitable vu comment le métrage était parti, l’histoire racontée. Et cette histoire-là, elle est clairement une version totalement déformée rendant Ararat comme un pur film engagé, un parti pris, un film de propagande nationaliste n’appelant jamais à la nuance, à l’intelligence de l’ouverture à la réflexion. Manichéen au possible, Ararat passe complètement à côté d’une possible oeuvre recherchée et politiquement intéressante sur les tenants et les aboutissants d’un évènement tragique de l’histoire du XXème siècle.
Bande-annonce :